(Le Point 30/01/2012)
L'opposition sénégalaise entrée "en résistance" a appelé à manifester mardi à Dakar contre la candidature du chef de l'Etat Abdoulaye Wade à la présidentielle de février, confirmée par le Conseil constitutionnel qui a de nouveau refusé celle du chanteur Youssou Ndour.
Le Mouvement du 23 juin (M23) qui rassemble opposition politique et société civile et s'oppose à la candidature de M. Wade, 85 ans, au pouvoir depuis douze ans, "appelle tous les citoyens à prendre part au rassemblement pacifique qu'il organise" à Dakar mardi après-midi.
L'objectif est de dire "non au coup d'Etat constitutionnel" et "exiger le retrait de la candidature de Wade", dit-il dans un communiqué.
Cet appel à manifester après une décision irrévocable - plus aucun recours n'est possible au plan légal - fait craindre de nouvelles violences, après celles ayant éclaté vendredi dès l'annonce de la première liste de candidats retenus par le Conseil constitutionnel.
Un policier avait été tué à Dakar dans ces violences marquées par des émeutes dans la capitale et en province et, selon l'opposition, de nombreuses arrestations à travers tout le pays.
Parmi les personnes arrêtées on compte Alioune Tine, célèbre défenseur des droits de l'homme et coordonnateur du M23, retenu depuis samedi par la police.
"Le M23 a définitivement décidé de mener la résistance contre le coup d'Etat constitutionnel qu'Abdoulaye Wade va perpétrer, aidé en cela depuis hier soir par le Conseil constitutionnel", a déclaré à l'AFP Abdoul Aziz Diop, porte-parole du mouvement.
"C'est une résistance pacifique, parce que le M23 n'est pas un mouvement armé et il ne s'armera pas, mais veillera à sa sécurité et à la sécurité de ses militants", a dit M. Diop, ajoutant: "Il ne permettra à personne de perturber à compter de lundi les manifestations qu'il organisera".
"Le Sénégal a honte"
Parmi les responsables du M23, figurent huit candidats à la présidentielle qui avaient déposé des recours contre la candidature de M. Wade, qu'ils jugent non conforme à la Constitution, estimant que l'actuel président a épuisé ses deux mandats légaux, ayant été élu en 2000 puis réélu en 2007.
Le camp du chef de l'Etat a toujours récusé cet argument, arguant de réformes de la Constitution en 2001 et 2008 qui lui permettraient de se représenter.
Le Conseil constitutionnel a jugé que les requêtes des opposants étaient "recevables en la forme" mais "non fondées".
Il a notamment considéré que M. Wade, "sous la Constitution de 2001, effectue un premier mandat durant la période 2007/2012 ; qu'il est donc en droit de se présenter à l'élection du 26 février 2012".
Pour l'avocat El Hadj Amadou Sall, membre du directoire de campagne de M. Wade, c'est "une belle leçon de démocratie".
Les cinq juges du Conseil ont aussi rejeté le recours de M. Wade qui voulait faire annuler les candidatures de ses deux ex-Premiers ministres Idrissa Seck et Macky Sall et de son ancien ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio en les accusant de n'avoir "jamais payé l'impôt" au Sénégal.
"La violation de la législation fiscale alléguée n'étant pas établie, la requête ne peut prospérer" et est "non fondée", a jugé le Conseil.
Autre décision, la confirmation du rejet de la candidature du chanteur Youssou Ndour, et celle de deux autres candidats indépendants, déclarées "irrecevables" parce que ne disposant pas de suffisamment de signatures de soutien.
"Le Sénégal a honte. Le Sénégal est meurtri. Le processus de coup d'Etat constitutionnel est consommé. 52 ans de construction démocratique viennent d'être balayés", a déclaré M. Ndour.
La France a regretté que "toutes les sensibilités politiques ne puissent être représentées" à la présidentielle, sans explicitement citer Youssou Ndour, en s'inquiétant également de "multiples arrestations" au Sénégal.
Elle a appelé à une campagne et à une élection "dans le calme et la pluralité".
- Publié le 30/01/2012 à 14:40 - Modifié le 30/01/2012 à 14:41
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