(Afrique en ligne 24/01/2012)
Les enjeux d'une visite dont ivoiriens et français attendent beaucoup - Les Présidents Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara mettront à profit cette visite pour revisiter les relations de coopération entre leurs pays.
Le Président de la République de Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara, effectue, les 25 et 26 janvier, une visite d'État en France. A moins de 3 mois de l'élection présidentielle dans ce pays. Dont le premier tour aura lieu, sauf changement, le 22 avril et le second, le 6 mai. Quels sont les principaux enjeux de cette visite dont Ivoiriens et Français attendent beaucoup et qui polarise toutes les attentions ?
Le premier enjeu, c'est le repositionnement de la coopération ivoiro-française mise à rude épreuve depuis le déclenchement de la crise militaro-politique du 19 septembre 2002 qui s'est muée en une rébellion coupant le pays en deux zones : une dite gouvernementale et l'autre occupée par la rébellion et appelée zone centre, nord ouest (Cno). Des efforts de réunification sont en cours avec la restauration de l'autorité et le redéploiement des services de l'Etat. Les autorités d'alors n'avaient pas hésité à accuser la France de soutenir ceux qu'on appelait «les ennemis de la Côte d'Ivoire».
Beaucoup plus récemment, lors de la crise post-électorale déclenchée le 2 décembre 2010 et qui s'est achevée le 11 avril 2011 avec l'arrestation de l'ancien Président Laurent Gbagbo, la France a été de nouveau accusée par le régime sortant de l'avoir renversé au profit de l'actuel Président. Après 8 mois passés en résidence surveillée à Korhogo, dans le nord de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo a été transféré le 30 novembre 2011 à la Cour pénale internationale (Cpi) à La Haye. Aujourd'hui, l'heure est à la décrispation et à la normalisation entre Paris et Abidjan, et cela conduit au deuxième enjeu de la visite d'État du Président Ouattara au bord de la Seine. A savoir la redéfinition de certains axes de la coopération entre la France et la Côte d'Ivoire.
Car dès son arrivée au pouvoir en 2007, le Président Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il allait promouvoir entre son pays et ses anciennes colonies un nouveau type de partenariat basé sur le respect mutuel. Un partenariat gagnant-gagnant qui exclut toute idée de domination et de dépendance. «La France n'a pas vocation à dicter aux Africains ce qu'ils doivent faire pour leurs pays, mais à les accompagner dans la réalisation de leurs choix librement opérés», aime à dire Nicolas Sarkozy. C'est dans cet esprit d'un nouveau type de coopération qu'il a décidé de réviser les accords de défense qui lient la France à certains États africains dont la Côte d'Ivoire.
Le projet du nouvel accord de défense entre Paris et Abidjan est prêt à être signé. Il a été paraphé le mercredi 16 novembre 2011 à Abidjan par Guillaume Soro, Premier ministre et ministre de la Défense ivoirien et Jean-Marc Simon, ambassadeur de France. Les Présidents Ouattara et Sarkozy devraient signer cet accord lors de la présente visite du Chef de l'État ivoirien en territoire français.
Dès lors, on ne parlera plus d'accord de défense mais de partenariat de défense entre la France et la Côte d'Ivoire qui n'est que la rénovation des accords de plus de 50 ans. Si la présence militaire française est maintenue en Côte d'Ivoire, en revanche l'effectif sera réduit à 250 ou 300 hommes contre 700 en ce moment. Ces soldats auront pour mission d'assurer la protection des ressortissants français en cas de crise mais aussi, aider à la formation des forces ivoiriennes. Au sein desquelles subsistent des cas d'indiscipline que ne cesse de dénoncer le chef d'état-major général des armées, le général de division Soumaïla Bakayoko. «Les voyous n'ont pas leur place dans l'armée. Les bandits n'ont pas leur place dans l'armée », fulminait-il lors d'une récente rencontre avec ses troupes. La grande nouveauté de ce partenariat de défense, c'est l'assistance que la France prévoit d'apporter à la Côte d'Ivoire dans la lutte contre le trafic de drogue, la piraterie maritime et le terrorisme. Une fois signé, ce nouvel accord fera l'objet de publication aux fins d'éviter toute suspicion et mauvaise interprétation quant à sa teneur.
Outre l'armée, de nombreux autres secteurs d'activités feront l'objet d'attention soutenue au cours de cette visite. D'où la présence prévue en France de nombreux membres du gouvernement, de certains présidents d'institution, d'opérateurs économiques, etc. Question de revitaliser la coopération bilatérale et son cadre institutionnel qu'est la commission mixte.
L'autre enjeu, et non des moindres, de la visite d'État du Président Ouattara en France, c'est qu'elle sera l'occasion d' exprimer la gratitude de la Côte d'Ivoire à l'État français dont le soutien ne lui a pas fait défaut dans la recherche de solutions à la crise post-électorale. Soutien militaire sous l'égide de l'Onu, certes. Mais aussi et surtout soutien politique aussi bien de la droite que des socialistes qui ont, pour la plupart, condamné le refus de l'ancien Président ivoirien, leur camarade socialiste, de reconnaîetre la victoire de son adversaire et de se retirer du pouvoir conformément aux règles de l'alternance démocratique.
C'est dire que la visite qu'entame demain Alassane Ouattara au bord de la Seine est d'une grande portée non pas pour les seuls acteurs politiques français et ivoiriens. Mais également pour les deux peuples dont on n'a cessé de dire qu'ils sont liés par l'histoire depuis la colonisation jusqu'à présent en passant par l'époque des de Gaulle et Houphouet-Boigny aux premières heures des indépendances en 1960.
C'est le lieu de rappeler que, selon des chiffres officiels, ce sont environ 14 000 ressortissants français qui vivent en Côte d'Ivoire (nombre publié en 2009) et 13 230 Ivoiriens résidant en France ; chiffres que d'autres assertions non officielles font grimper jusqu'à 80 000, voire 200 000 âmes, côté Ivoiriens de France.
Abel Doualy
Fratmat.info/24/01/2012
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