lundi 30 janvier 2012

La candidature de Wade peut faire basculer le Sénégal dans la tourmente

(Cyberpresse 30/01/2012)
La décision du Conseil constitutionnel de confirmer la candidature contestée du président Abdoulaye Wade, 85 ans, à la présidentielle de février, risque de faire basculer dans la tourmente le Sénégal, jusque-là considéré comme un modèle de démocratie en Afrique.
Élu en 2000, réélu en 2007, Wade se présente pour la troisième fois après plusieurs modifications de la Constitution. Sa volonté de rester au pouvoir coûte que coûte alimente les tensions dans son pays où des violences politiques avaient déjà fait en décembre au moins un mort et plusieurs blessés.
La validation de sa candidature, mais aussi l'invalidation de celle du chanteur Youssou Ndour, ont provoqué le 27 janvier une vague de violences à Dakar et en province, violences au cours desquelles un policier a été tué, des manifestants blessés, des bâtiments incendiés.
Après la confirmation de cette candidature par les cinq «sages» - tous nommés par Wade - du «Conseil insurrectionnel» comme l'a qualifié un journal local, les partis d'opposition et organisations de la société civile rassemblés au sein du Mouvement du 23 juin (M23) ont décidé d'entrer en «résistance active».

Une «résistance active» mais «pacifique», qui doit prendre la forme de marches, sit-in et manifestations pour forcer Wade à retirer sa candidature: la première est prévue mardi à Dakar.
«Il y a déjà eu des violences, certes limitées, et on ne peut pas exclure des débordements», affirme Gilles Yabi, responsable d'International Crisis Group (ICG) pour l'Afrique de l'Ouest. Manifestations et rassemblements sont «difficiles à contrôler, même si les leaders appellent à ce qu'ils soient pacifiques», surtout «dans le contexte actuel», ajoute-t-il.
«Je ne pense pas que l'on va connaître une situation à l'ivoirienne mais on n'a jamais vécu une situation pareille et cela peut mener à de graves dérapages», note un analyste politique sénégalais qui préfère garder l'anonymat.
«Problème d'éthique»
La «résistance active» et «pacifique» suffira-t-elle à faire plier Abdoulaye Wade, rompu aux joutes politiques après 26 ans d'opposition et 12 ans de pouvoir?
Tout dépendra «de la capacité réelle de mobilisation de la rue», répond Gilles Yabi. «S'il y a 20 000, 50 000, 100 000 personnes, c'est possible», sinon «il est difficile d'imaginer que ça puisse changer la position de Wade».
Abdoulaye Wade avait mis fin en 2000 à 40 ans de régime socialiste incarnés par le poète-président Léopold Sédar Senghor (1960-1980) et son successeur désigné, puis élu, Abdou Diouf.
Il y a 12 ans, la présidentielle de «l'alternance» au Sénégal, un des premiers pays à avoir instauré le multipartisme en Afrique, avait été saluée dans le monde comme exemplaire sur un continent plutôt habitué aux élections frauduleuses et aux successions dynastiques.
Aujourd'hui, le monde s'inquiète de l'attitude du président Wade, de sa volonté de s'accrocher au pouvoir, au risque de provoquer des violences inédites dans son pays.
A l'image de William Fitzgerald, haut responsable américain chargé de l'Afrique, qui soulignait récemment que pour Wade, «c'était le bon moment de partir à la retraite, pour protéger et soutenir une bonne transition dans la démocratie au Sénégal, dans le calme et la sécurité».
Sous couvert d'anonymat, un analyste ouest-africain rappelle qu'«en 2007, Wade avait déclaré qu'il ne serait plus candidat après sa réélection. «Il y a évidemment un reniement personnel» et «il y a là un problème d'éthique, non seulement pour le Sénégal, mais aussi pour la région».
Car en Afrique de l'Ouest, le Sénégal, entouré de pays à l'histoire marquée par la violence et les coups d'État et où l'instabilité demeure - Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie - reste un modèle. Jusqu'à quand?


Stéphane BARBIER

© Copyright Cyberpresse

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire