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Déclaration explosive du vice-président de la Cour constitutionnelle burundaise, alors que la situation reste tendue à Bujumbura. Sylvère Nimpagaritse, le vice-président de la Cour constitutionnelle, saisie la semaine dernière pour se prononcer sur la légalité d'une troisième candidature du président Nkurunziza, dénonce justement les pressions exercées par le pouvoir. Il a fui le pays ce lundi 4 mai.
Cela va au-delà du simple coup d’éclat. Cette histoire va causer un véritable séisme, dans ce pays en proie à des manifestations contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza justement, qui paralysent la capitale Bujumbura. Le vice-président de la Cour constitutionnelle du Burundi est formel, le non à
un troisième mandat pour Pierre Nkurunziza aurait dû l’emporter sur un plan purement juridique.
Aujourd'hui, Sylvère Nimpagaritse est un homme qui a peur, un homme aux abois, rencontré juste avant qu’il ne prenne le chemin de l’exil. « Je crois que vous le sentez même quand je m’exprime. J’ai peur. J’ai peur puisqu’ils commencent à me menacer avec des coups de téléphone. Ils me disent que je vais assumer et que j’engage ma vie et celle de ma famille », confie-t-il.
La Constitution et les accords d'Arusha
Mais c’est également un homme conscient, dit-il, de sa responsabilité devant l’histoire. M. Nimpagaritse explique que la Cour a commencé à délibérer sur ce cas jeudi. À ce moment dit-il, on était quatre sur les sept membres de la Cour constitutionnelle du Burundi à être contre un nouveau mandat du président Nkurunziza, parce que ce serait dit le juge, «
violer la Constitution et l’accord de paix d’Arusha ».
Il n’y a pas eu de consensus, pour ce premier jour, et les juges décident alors de reprendre le lendemain. C‘est à ce moment précis que les pressions ont commencé. D’abord amicales, elles sont devenues très vite menaçantes. Un à un, les trois autres juges qui sont du même avis préfèrent sauver leurs vies et changent de camp, explique le vice-président de la Cour.
Il s’est retrouvé seul, mais a refusé de signer une décision qui permettrait à Nkurunziza de briguer un troisième mandat, une décision imposée de l’extérieur, juge-t-il. « En mon âme et conscience, j’ai décidé de ne pas apposer ma signature sur une décision qui est imposée de l’extérieur, qui n’a rien de juridique », affirme-t-il.
Trois morts dans les manifestations de lundi
Depuis deux, trois jours, Sylvère Nimpagaritse vivait en fugitif, traqué. Il assure qu’en son âme et conscience, il a choisi de dénoncer un arrêt « qui risque de plonger ce pays dans le chaos », avant de prendre le large. Il vient de couper l’herbe sous les pieds du pouvoir burundais qui avait appelé la communauté tant nationale qu'internationale à attendre la décision de la Cour constitutionnelle, qualifiée d'« indépendante ». Un geste qui porte donc un grand coup à Pierre Nkurunziza car la Cour constitutionnelle qui devait lui ouvrir sur un plan juridique, la voie d’une nouvelle candidature à la présidentielle, risque d’y laisser toute sa crédibilité.
Dans la capitale burundaise, trois manifestants ont été tués par balle ce lundi, et une quarantaine d'autres blessés
dans des affrontements avec la police. Ces trois nouveaux morts portent à douze le nombre de personnes tuées dans des violences depuis le début des manifestations contre la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.
Le soir du 30, on a déjà commencé à subir d’énormes pressions et même des menaces de mort, mais on a eu le courage de revenir le lendemain. Le 1er on a continué à délibérer. Ceux qui avaient soutenu que le renouvellement du 3e mandat violait la Constitution et les accords d’Arusha ont eu peur parce qu’ils ont subi des pressions, ils me l’ont dit. Et ils m’ont confié que si jamais on ne se ravisait pas, on aura humilié le président et que l’on risquait gros. On risque nos vies. Qu’il fallait finalement se raviser et accepter de rejoindre le camp de ceux qui soutiennent le 3e mandat. En mon âme et conscience, j’ai décidé de ne pas apposer ma signature sur un arrêt, une décision qui était à côté de la loi. Je suis entré en clandestinité dès ce soir.
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