lundi 4 mai 2015

Burundi: reprise des manifestations

Bujumbura (Burundi) - Les manifestations contre un troisième mandat du chef de l'Etat burundais Pierre Nkurunziza ont repris lundi à Bujumbura, après un week-end de trêve et alors que l'armée apparait de plus en plus divisée.

La contestation a repris dans plusieurs quartiers périphériques de la capitale, où la police cantonne les manifestants depuis le début du mouvement le 26 avril pour les empêcher d'aller faire une démonstration de force au centre-ville. 

A Musaga, dans le sud de Bujumbura, un face-à-face tendu a opposé quelque 200 jeunes du quartier, rejoints par des manifestants venus des collines alentour. "Laissez-nous passer!", ont-il scandé aux policiers qui leur faisaient barrage, alors que l'armée tentait de s'interposer pour calmer le jeu.  
Les manifestations ont aussi repris dans d'autres quartiers foyers de la contestation -- Ngagara (nord), Nyakabiga (est), Cibitoke (nord), où 100 à 200 jeunes ont été dispersés par la police, dont un tir tendu de gaz lacrymogène a blessé un manifestant. 
Les manifestants avaient décrété deux jours de trêve pendant le week-end afin de "mieux s'organiser" en vue de nouvelles protestations. Ils avaient appelé le chef de l'Etat, investi le 25 avril par son parti le Cndd-FDD pour être son candidat à la présidentielle du 26 juin, à renoncer. Comme attendu, Pierre Nkurunziza n'a pas cédé. 
"Nous avons deux camps arc-boutés sur leurs positions et aucun n'est prêt à reculer", a résumé un diplomate. 
Samedi, le général Pontien Gaciyubwenge, ministre de la Défense, s'était démarqué en termes sibyllins de son homologue de la Sécurité publique qui avait annoncé un durcissement de la répression et qualifié la contestation d'"entreprise terroriste" après deux attentats meurtriers à la grenade visant la police. 
Le général Gaciyubwenge a affirmé la neutralité de l'armée et demandé que cessent "les atteintes aux droits" constitutionnels des Burundais, semblant viser notamment celui de manifester pacifiquement. 
Des proches du ministre de la Défense ont expliqué que des hauts gradés de l'armée l'avaient pressé de refuser d'impliquer l'armée dans la répression, de rappeler sa neutralité et de se démarquer publiquement du ministre de la Sécurité publique. 
- "Divergences assez sérieuses" - 
Depuis le début du mouvement, l'armée s'interpose entre police et manifestants pour éviter les dérapages. Les protestataires considèrent que les soldats sont neutres et les protègent des abus des policiers, acquis selon eux au Cndd-FDD, parti du président Nkurunziza. 
Mais dimanche, le chef d'état-major de l'armée, prenant le contrepied de son ministre de tutelle, a garanti que les militaires resteraient loyaux aux institutions et aux autorités du pays. La Force de défense nationale (FDN) "reste et restera une armée républicaine, loyaliste et respectueuse des lois et règlements du Burundi et de ceux qui la régissent", a affirmé le général Prime Niyongabo. 
Il a mis "en garde tout ceux qui voudraient utiliser la FDN à des fins politiciennes qui la conduiraient à agir en dehors de la loi et du professionnalisme" et rappelé que l'armée "reste attachée à la mission confiée par la loi", appelant les soldats à rester "unis". 
La mise au point du chef d'état-major entérine l'hypothèse d'une division au sein de l'armée, partagée entre respect des institutions et fidélité à l'accord d'Arusha - qui fonde une armée "non partisane", sur fond de loyautés politiques héritées de la guerre civile (1993-2006) à laquelle cet accord historique avait permis de mettre fin. 
Durant la guerre civile, qui hante toujours les esprits au Burundi, le général Niyongabo était membre du Cndd-FDD, qui était alors un groupe rebelle combattant l'armée dominée par les Tutsi, à laquelle appartenait le général Gaciyubwenge. 
"Il y a des divergences assez sérieuses au sein de l'appareil sécuritaire" qui "concernent la gestion de la crise dans son ensemble", a expliqué le diplomate, soulignant que des opposants au troisième mandat existaient dans l'armée comme la police. 
La contestation a éclaté au lendemain de l'investiture de M. Nkurunziza par son parti. 
Les opposants à cette candidature jugent un nouveau mandat du président Nkurunziza, élu en 2005 et réélu en 2010, inconstitutionnel et contraire à l'accord d'Arusha qui limite leur nombre à deux. 
La Cour constitutionnelle doit se prononcer dans les jours à venir sur la validité de ce mandat, mais ceux qui s'y opposent ont déjà accusé ses juges d'être aux ordres et d'avoir été saisis uniquement pour valider la candidature du chef de l'Etat. 

lexpress.fr

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