(Le Monde 28/04/2011)
Les forces du président ivoirien, Alassane Ouattara, ont tué, mercredi soir 27 avril, l'ex-putschiste Ibrahim Coulibaly, dit "IB", chef du "commando invisible" dans le nord d'Abidjan, qui était perçu comme une menace par le pouvoir même s'il avait contribué à la chute de Laurent Gbagbo.
Plusieurs centaines de membres des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), équipés de pick-up surmontés de mitrailleuses lourdes et de lance-roquettes, ont lancé mercredi matin une attaque d'envergure contre le fief d'"IB" dans le quartier populaire d'Abobo (nord).
Après cette "opération de sécurisation et de pacification", "'IB' est allé se réfugier dans une cour [d'habitations] non loin d'une usine à PK-18 [secteur nord d'Abobo]", a déclaré le porte-parole du ministère de la défense.
"RIPOSTE FATALE"
Dans cette cour, Ibrahim Coulibaly "a pris en otage toute une famille. Les FRCI ont effectué des tirs de sommation à deux reprises et il a réagi avec des tirs nourris. Les FRCI n'ont eu d'autre choix que de riposter, et la riposte lui a été fatale", a ajouté le porte-parole.
L'affrontement qui a eu lieu vers 20 heures, heure locale (22 heures, heure de Paris) a fait "deux soldats tués et plusieurs blessés" côté FRCI, et "sept morts" dans le camp adverse, dont "IB" lui-même, a-t-il précisé. Les FRCI avaient durant la journée progressé dans son fief sans rencontrer de réelle résistance.
Le "commando invisible" avait contribué à la chute de l'ex-président Laurent Gbagbo le 11 avril, en déstabilisant son régime par la prise de contrôle progressive du nord d'Abidjan au début de l'année. Le président Ouattara avait appelé vendredi l'ex-putschiste de 1999 et 2002 à désarmer ses hommes, sous peine d'y être contraint par la force.
ADVERSAIRE HISTORIQUE
"On demandait une semaine, dix jours, le temps de bien expliquer aux combattants qu'ils doivent désarmer sans conditions. Il faut les convaincre qu'ils peuvent déposer les armes sans craindre pour leur vie", avait déclaré au début de l'offensive Félix Anoblé, numéro deux du "commando invisible". "IB" avait demandé à être reçu par le chef de l'Etat pour se mettre à sa disposition. Son entourage avait accusé le premier ministre, Guillaume Soro, de faire obstacle à cette demande.
M. Soro a été l'adversaire historique d'Ibrahim Coulibaly au sein de la rébellion responsable du putsch raté de 2002 contre M. Gbagbo, force dont il prit finalement la tête et qui forme désormais le gros des FRCI. Ibrahim Coulibaly, l'un des personnages les plus mystérieux de la scène ivoirienne depuis une décennie, avait revendiqué ces derniers jours sa part dans la chute de M. Gbagbo, tout en assurant se placer sous l'autorité d'Alassane Ouattara, dont il avait été le garde du corps.
COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION
Dans un entretien au quotidien français La Croix jeudi, M. Ouattara a évalué à près de 3 000 morts le bilan des violences post-électorales en Côte d'Ivoire, tandis que l'ONU fait état de près de 1 000 morts.
Dans cette même interview, le président ivoirien annonce la création "d’ici à deux semaines" d'une commission Vérité et Réconciliation "à l’image de ce qui a été fait en Afrique du Sud", précisant qu'il va recevoir la semaine prochaine, l’ancien directeur général de l’ONU, Kofi Annan, et Desmond Tutu "pour en discuter ensemble". M. Ouattara annonce également la nomination d’un gouvernement d’union nationale, avant fin mai.
Le président Ouattara se déclare, par ailleurs, "très inquiet" pour les Français enlevés le 4 avril. Le directeur d'un hôtel d'Abidjan et un chef d'entreprise ont été enlevés dans la capitale économique ivoirienne, alors en proie à des violences entre ses partisans et ceux du président sortant Laurent Gbagbo, qui refusait de quitter le pouvoir. "J'ai demandé à ce que les responsables militaires arrêtés soient interrogés. Cela n'a encore rien donné", déclare-t-il.
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