(Atlas Info.fr 21/04/2011)
La fronde sociale, menée par les militaires, s’amplifie.
Des militaires qui se mutinent et pillent, des étudiants et des commerçants qui manifestent et brûlent le siège du parti au pouvoir… Quelque chose ne tourne pas rond au Burkina Faso de Blaise Compaoré, au point que les éditorialistes comparent son régime, en place depuis 1987, avec ceux des potentats arabes, actuellement contestés dans la rue.
Grogne. La fronde sociale, qui couvait depuis plusieurs mois, a pris un tournant très menaçant jeudi dernier, avec la mutinerie de la garde présidentielle, qui a été suivie par trois autres camps militaires de la capitale, Ouagadougou. Cela fait deux mois que l’armée est agitée par une grogne, qu’une source à la présidence attribue à des problèmes de primes de logement non payées et qui serait essentiellement le fait de la promotion 2008-2010, qui compte beaucoup de «diaspos», des jeunes Burkinabè nés en Côte-d’Ivoire, qu’ils ont dû quitter à cause des campagnes anti-étrangers menées par les partisans de Laurent Gbagbo ces dernières années.
Il semble en fait que le malaise de l’armée soit plus profond. Les fameuses primes de logement sont dues au fait que les soldats les plus âgés ne veulent pas quitter les casernes, obligeant l’Etat à loger les plus jeunes en ville. Outre cet engorgement de la hiérarchie, l’enrichissement des plus hauts gradés provoque jalousie et ressentiment dans la troupe. Or l’armée est le véritable pilier du régime Compaoré, arrivé au pouvoir via un coup d’Etat contre son ami Thomas Sankara. Depuis, il dirige le Burkina Faso d’une main de fer, éliminant ou réduisant au silence ceux qui menacent son pouvoir, comme le journaliste Norbert Zongo, qui avait publié une enquête gênante et a été assassiné mystérieusement en 1998.
Signe de l’inquiétude du pouvoir suite aux mutineries en chaîne de ces derniers jours, le chef d’état-major, Dominique Djindjéré, a été remplacé par le général Nabéré Honoré Traoré et les primes réclamées ont été versées. Cette célérité a ulcéré une partie de la population, qui proteste en vain depuis des mois contre la vie chère. C’est le cas des étudiants, dont un d’entre eux aurait été tué le 20 février à Koudougou par la police. Les autorités soutiennent que le jeune homme est mort de méningite, à la grande colère des magistrats. Quant aux commerçants de Ouagadougou, ils n’ont pas apprécié que les mutins les pillent impunément. Ils s’en sont donc pris aux locaux du Congrès pour la démocratie et le développement, le parti au pouvoir, qui contrôle 74 des 111 sièges du Parlement.
Mandat. Pour éteindre la contestation, Compaoré a nommé Luc-Adolphe Tiao Premier ministre. Cet ex-journaliste et diplomate de 56 ans, novice en politique, sera chargé de susciter le dialogue avec une population lassée de ce régime autoritaire, qui a pris l’habitude de gouverner sans consulter. Pourtant, le Burkina connaît régulièrement des scrutins, mais Compaoré, réélu pour un quatrième - et officiellement dernier - mandat en décembre dernier, a tellement fait le vide que ses scores dépassent les 80%.
S’il veut sauver son régime, le président Compaoré, 60 ans, «devra s’investir à nouveau dans son propre pays», convient un proche. Considéré comme le faiseur de paix - et de guerre - de l’Afrique de l’Ouest, il a passé plus de temps, ces dernières années, à gérer les crises de ses voisins (Côte-d’Ivoire, Guinée…) que les problèmes de ses concitoyens.
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