lundi 18 avril 2011

CÔTE D'IVOIRE - La vie reprend à Abidjan, la presse rêve de renaissance

(Le Monde 18/04/2011)

Une semaine après la chute de Laurent Gbagbo, la vie a commencé à reprendre timidement à Abidjan. La journée de lundi est cruciale pour le nouveau pouvoir qui avait appelé les fonctionnaires à reprendre "impérativement" le travail ce jour-là. La rentrée des classes est officellement prévue le 26 avril.
Des fonctionnaires, appelés à reprendre le travail dès 7 h 30, ont rejoint leurs bureaux et plusieurs journaux ont refait leur apparition dans les kiosques. Des taxis et quelques bus publics bondés ont également recommencé à circuler dans le quartier du Plateau, le centre de la capitale économique où se trouvent les administrations et le palais présidentiel. Le secteur avait été le théâtre de combats pendant dix jours jusqu'à l'arrestation le 11 avril de M. Gbagbo.
COUPS DE FEU ISOLÉS
Le ministre de la fonction publique, Gnamien Konan, est arrivé vers 9 h 30 devant le ministère des postes et télécommunications, encore fermé, le temps de vérifier la sécurité. "Ça fait quatre mois que la machine d'Etat est à l'arrêt. Je constate qu'ici, au niveau des locaux de la fonction publique, les gens sont en place", a déclaré le ministre, sous le portrait de Laurent Gbagbo, toujours accroché au mur.
Mais pour d'autres, le travail n'était pas encore possible. Un fonctionnaire de l'Assemblée nationale a ainsi expliqué avoir vu "un cadavre en décomposition" devant l'entrée du bâtiment. "Et les pillards ont volé tous les ordinateurs, tout fouillé, renversé. Je ne sais pas si on pourra travailler avant deux-trois mois", a-t-il précisé.
Une mère et ses enfants au milieu des piles de déchets qui se sont entassés dans les rues du quartier d'Abobo.REUTERS/FINBARR O'REILLY
Des poches d'insécurité subsistaient à Abidjan et on continuait d'entendre des coups de feu isolés lundi matin. Au port d'Abidjan, un des piliers de l'économie, les navires arrivaient au compte-gouttes, depuis la fin de semaine dernière : deux pétroliers et un méthanier ont accosté. Un porte-conteneurs était attendu mercredi, ce qui devrait permettre la reprise des exportations de cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial, selon la direction.
LA PRESSE RÊVE D'UNE RENAISSANCE
Côté positif, la presse a reparu à l'issue de près de trois semaines d'interruption. Mais les sites internet de la plupart des titres n'ont pas été actualisés depuis des semaines, offrant une relecture anachronique de près de quatre mois de crise post-électorale. Sur le site internet de Notre Voie, le journal du parti de l'ancien président, on peut encore lire une alerte donnant la victoire de Laurent Gbagbo avec 51,45 % des suffrages exprimés. Le quotidien d'Etat Fraternité-Matin (site internet en maintenance), pro-Gbagbo pendant la crise, intitulait son éditorial "Réconciliation, pardon, paix". Le journal, victime de saccages après la chute de M. Gbagbo, se dit "prêt à prendre une part active dans ce processus de réconciliation pour la reconstruction et le développement dans la paix".
"La renaissance", titre le quotidien pro-Ouattara "Le Mandat".AFP/ISSOUF SANOGO
Les journaux proches du nouveau pouvoir rêvent eux aussi de renaissance. "La Côte d'Ivoire renaît à la vie", titre dans sa version papier Nord-Sud (site pas actualisé). Pour Le Patriote, "La Côte d'Ivoire renaît avec ADO" (surnom du président Ouattara). C'est "la délivrance" pour Le Mandat. "La Côte d'Ivoire vivra, vivra, vivra !", s'enthousiasme L'Intelligent d'Abidjan, présentant en médaillon les présidents ivoiriens depuis le "Père de la Nation", Félix Houphouët-Boigny, jusqu'à M. Ouattara. Dans son éditorial, le quotidien, qui avait soutenu le nouveau président durant la crise, songe à "cet immense gâchis qu'on aurait pu et dû éviter". "Quel gâchis !" s'exclame aussi L'Inter (indépendant), après près de cinq mois de tourmente post-électorale, marqués par quelque 900 morts dans des violences.
Sur la home page de son site, qui est à jour, L'Inter cite en exergue une phrase de Félix Houphouët-Boigny, père de l'indépendance ivoirienne : "Le dialogue est l'arme des forts et non des faibles, c'est l'arme de ceux qui font passer leurs problèmes généraux avant les problèmes particuliers, avant les questions d'amour propre."

LEMONDE.FR avec AFP
18.04.11
15h45
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