(Le Potentiel 18/04/2011)
A quel jeu joueraient les deux capitales les plus rapprochées du monde ? Alors que la visite de deux heures et demie rendue vendredi à Kinshasa par Denis Sassou Nguesso à son homologue Joseph Kabila a été donnée pour une avancée dans la décrispation, des sources diplomatiques de deux côtés du fleuve Congo indiquent que, malgré le communiqué final qui a sanctionné le tête-à-tête, un flou persiste quant à l’aplanissement réel de différends qui divisent les deux voisins.
Le langage de bois du communiqué final qui a sanctionné la visite vendredi dernier à Kinshasa du président Denis Sassou Nguesso à son homologue Joseph Kabila aura laissé un arrière-goût d’inachevé. Le président congolais répondait «à une invitation de son homologue Joseph Kabila». Sur un ton laconique, ce document signé par les deux ministres des Affaires étrangères note ce qui suit : « Dans le cadre des relations fraternelles et de bon voisinage, les deux chefs d’Etat ont débattu, en tête-à-tête, des sujets d’intérêt commun, y compris les problèmes de sécurité, les questions de coopération et d’assistance mutuelle et le renforcement des liens sécuritaires ».
Ce n’est pas assez. D’autant que, aborder une question, c’est une chose, la résoudre c’en est une autre. Des indications plus claires attendues sur la résolution de différends et l’enterrement de la hache de guerre entre les deux voisins n’ont pas été notées dans le communiqué. Elles ne l’ont pas non plus dans les réponses du ministre des Affaires étrangères RD Congolais aux préoccupations de la presse à l’issue de la rencontre de vendredi au Palais de la nation.
A la question de savoir si les questions qui fâchent ont été abordées, notamment celle de l’extradition du général Munene et du chef rebelle enyele Udjani, Alexis Thambwe Mwamba répond par l’affirmative. Mais, il ne dit pas à quoi cela a abouti. D’abord, il trouve un biais en laissant entendre que ce sont les deux chefs d’Etat qui ont discuté de toutes ces questions et non leurs délégations respectives. Ensuite, il indique que les questions qui fâchent ont des aspects techniques qui ne doivent pas nécessairement être mises à la disposition du grand public. En ce moment !
L’aveu- ou ce qui en a l’air- est venu de cette déclaration qui montre qu’il y a encore du chemin à parcourir avant d’arriver à un dénouement qui satisfasse toutes les parties : « Je vous dis que toutes ces questions ont été abordées, elles vont suivre le processus technique normal ». Dire que le doute est permis ne serait pas exagéré. Un élément vient renforcer ce scepticisme. Il s’agit de cette réponse du ministre Alexis Thambwe Mwamba sur le retour en poste de l’ambassadeur de la RDC à Brazzaville : « La question n’est pas de savoir si l’ambassadeur doit rentrer ou bien s’il faut envoyer un autre ambassadeur ». Selon lui, son ministère verrait à quel moment il faudrait envisager le retour du diplomate de Kinshasa à Brazzaville.
Or, le fait que le retour de l’ambassadeur à Brazzaville ne soit pas annoncé comme une priorité ou une des résolutions du différend laisse à penser qu’il serait trop tôt de parler des avancées mais plutôt du démarrage des concertations qui pourraient prendre le temps que cela pourrait prendre. Par ailleurs, des sources dignes de foi rapportent être surprises que la presse kinoise se soit laissée séduire par les apparences. Selon ces dernières, les tensions étaient bien perceptibles pendant le tête-à-tête à Kinshasa. Cela se lisait sur les visages de deux délégations au Palais de la nation. Les attitudes affichées par les uns et les autres accusaient l’absence de compromis sur toutes les questions abordées. Bien plus, toujours selon nos sources, les autorités de la République du Congo auraient souhaité, à l’issue de la rencontre, faire des déclarations à la presse de manière à éclairer l’opinion sur les points de blocage. Le protocole aurait contourné pour la simple raison que toute déclaration contraire au libellé du communiqué final n’aurait pas été de bon aloi.
Avait-on besoin de toutes ces cachotteries ? Salué comme un événement devant traduire la décrispation après plusieurs mois de froid, le tête-à-tête entre Sassou Nguesso et Joseph Kabila à Kinshasa le vendredi 15 avril n’aura pas livré tous ses secrets. Des hics succèdent aux sous-entendus. Bref, un flou persiste. Pour combien de temps ?
Il va de soi que la langue de bois adopté dans un communiqué conjoint alimente le doute plus qu’il ne rencontre les attentes des populations. Et là, rien n’est dit explicitement sur la certitude d’une éventuelle extradition de Faustin Munene et Udjani. Sur l’attaque de la résidence du chef de l’Etat le 27 février 2011 considérée à Kinshasa comme la conséquence de la présence de ces deux compatriotes de l’autre côté de la rive, une formule tout aussi lacunaire que vague ramasse la question : «de sujets d’intérêts commun, y compris les problèmes de sécurité» ont été débattues en tête-à-tête par les deux chefs d’Etat. Le refus d’aborder les détails des questions aussi sensibles, est décrypté par des diplomates en poste à Kinshasa comme «l’absence d’avancées notables».
Toutefois, tous les analystes s’accordent sur la volonté d’apaisement qui anime les deux chefs d’Etat. Même si le flou persiste, il demeure que les passerelles des discussions ne sont pas rompues. Le rappel de l’ambassadrice n’est pas synonyme de la fermeture de la représentation Rd congolaise à Brazzaville. Le nuage dans le ciel des relations entre Kinshasa et Brazzaville doit céder la place à un éclairci avantageux pour les deux peuples.
Par Le Potentiel
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