(Le Potentiel 26/04/2011)
De l’océan Atlantique aux collines de l’Est, en passant par la cuvette centrale, le pétrole congolais fait l’objet de nombreuses convoitises. C’est ce qui explique de grandes manœuvres observées actuellement sur les bassins pétroliers congolais où des majors prennent pied et bousculent des juniors sans expérience ni moyens. Quant au peuple congolais, il n’y voit que du feu, souvent floué sur la destination que prennent les revenus de cette manne pétrolière.
Si hier, les bassins pétroliers congolais étaient l’affaire des commissionnaires et autres intermédiaires du secteur, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Des majors de l’industrie pétrolière mondiale se sont réveillées ; elles se bousculent au portillon de la RDC pour se partager cette manne. La première major à avoir annoncé les couleurs est l’Italien ENI.
Le pétrolier français Total, qui est déjà présent dans la distribution, ambitionne aussi de se lancer dans la production. Des sources indiquent qu’il ne tarderait pas à faire son entrée dans le Graben Albertine. Quant à l’Américain Exxon, il reste à l’affût d’opportunités, note Africa energy intelligence.
ENI négocie depuis quelques semaines avec le gouvernement congolais pour rafler sept blocs dans le Graben, le Tanganyika et la Cuvette centrale. Les négociations seraient très avancées, rapportent des sources proches du dossier.
CHASSE AU TRESOR
En décembre 2010 lorsqu’il s’adressait au Parlement réuni en congrès, le chef de l’Etat, Joseph Kabila, avait décliné ce qui devait être la nouvelle politique pétrolière de la RDC. Désormais, annonçait le président de la République, dans le secteur pétrolier, la RDC devait s’ouvrir davantage aux plus grands en lieu et place de petites sociétés sans moyens.
L’arrivée annoncée des majors telles que Total et ENI semble traduire cette volonté du gouvernement de tirer le meilleur parti de l’exploitation du secteur pétrolier. Mais, le doute subsiste quant à la traduction dans les actes de cette nouvelle politique gouvernementale.
Les négociations en cours vont permettre enfin aux majors de l’industrie pétrolière de prospecter le sous-sol congolais. Selon les informations rapportées par Africa energy intelligence, le vice-président exploration et convention de l'ENI, Luca Dragoneti, et un géologue du groupe, Davide Casini Ropa, ont séjourné dernièrement à Kinshasa pour le deuxième round de négociations concernant les blocs 15-16-17 de la Cuvette centrale, les permis 1-2-3 au Nord du lac Tanganyika et le bloc 4 du Graben Albertine.
Sans attendre l’issue de ces discussions, l'ENI, qui opère avec le permis de Ndunda dans le Bas-Congo depuis 2010, a déjà loué plusieurs étages de bureaux dans un quartier de Gombe à Kinshasa. En cas d'accord global, qui devrait intervenir à la fin avril, la major italienne serait disposée à dépenser 200 millions USD sur cinq ans. 30 millions USD seraient affectés au Graben, 60 millions USD au Tanganyika et 100 millions USD à la Cuvette centrale.
ENI ne voudrait pas perdre de temps. Les Italiens se préparent déjà à faire construire une plate-forme de forage pour explorer le Tanganyika. L’ouvrage serait positionné en permanence sur le lac et pourrait être proposé à la location aux autres sociétés pétrolières disposant de permis dans les eaux burundaises et tanzaniennes du lac Tanganyika. Des Coréens ont déjà été contactés pour construire l’ouvrage, confirme Africa energy intelligence.
Pour faire d’une pierre deux coups, et ne pas se retrouver dans la situation de Tullow Oil qui s’est vu refuser le droit d’explorer sur la partie congolaise du lac Edouard, ENI a également déposé une offre à la Tanzania Petroleum Development Corp (TPDC) pour opérer le bloc Tanganyika North (côté tanzanien du lac). D’ailleurs, sur ce site, elle est en concurrence avec Tullow Oil.
En cas d’accord avec le gouvernement congolais, ENI prendrait 80% des sept blocs et porterait la part de la Cohydro, soit 10%. Une participation de 10% serait réservée à des privés congolais qui devraient payer leur part dans l'exploration. Le bonus de signature pourrait représenter plusieurs millions USD, note en même temps la source. Une manne bien profitable en ce temps d’élections.
NE PLUS RETOMBER DANS L’INCONSCIENCE
Les contrats en cours de négociations dans le secteur pétrolier valent des milliards de dollars. Ce qui témoigne de la grande importance du bonus de signature que la RDC et toutes les parties intervenantes devaient en tirer.
Comme le venin se trouve généralement dans la queue, c’est à ce niveau que se trouve le revers de cette grande ruée sur le pétrole congolais. De l’Ouest à l’Est, le pétrole congolais fait l’objet de grandes tractations. Rien qu’avec l’Angola, le litige sur le plateau congolais est loin de se dénouer.
Tout récemment, l’Assemblée nationale du Congo/Brazzaville venait d’adopter une loi autorisant la ratification d'un protocole d'accord de coopération sur l'exploitation et la production du potentiel de réserves communes d'hydrocarbures avec la RDC. La zone concernée par cette loi est le bassin sédimentaire qui s'étale sur les deux rives du fleuve Congo et de l'Oubangui.
Ce texte sur les hydrocarbures, indique l’Agence Chine nouvelle, se veut un protocole de prudence qui permet aux deux Etats de développer et d'exploiter sans incident majeur les champs pétroliers du Bassin de la cuvette congolaise. Cette loi, poursuit la même source, est la première du genre entre la RDC et le Congo. Le pétrole est la première source de revenu du Congo dont la production se situe aujourd'hui à 300.000 barils par jour, selon les chiffres officiels.
Par contre à l’Est, la RDC n’est toujours pas parvenue à un compromis formel avec ses voisins ougandais et tanzanien. A Kinshasa, l’on n’a pas clairement défini la ligne de conduite à adopter.
Lorsque, ailleurs, l’on privilégie des négociations directes avec les vrais opérateurs, en RDC, on n’est encore à traiter avec des commissionnaires au passé pétrolier non avéré. C’est le cas des contrats signés en 2010 entre le gouvernement congolais et deux entreprises inconnues du monde pétrolier, à savoir Caprikat et Foxwelp.
Dans le secteur pétrolier, la RDC risque d’être dans les jours à venir victime de ses propres turpitudes. Si hier, c’était la guerre des mines, aujourd’hui, c’est la guerre du pétrole qui est aux portes de la RDC. Et demain, ça serait la guerre de l’eau. C’est ce qu’indique le sénateur Modeste Mutinga, dans son dernier ouvrage intitulé « RD Congo, la République des inconscients ».
Dans cet ouvrage, l’auteur interpelle les politiques congolais à reprendre conscience du danger qui guette le pays. Il y a une guerre, prédit-il, qui pointe à l’horizon. Comme ce fut le cas avec les mines, le pétrole pourrait conduire à la résurgence des seigneurs de guerre sous l’instigation des exploitants mécontents ou ceux qui voudraient contourner les voies officielles de négociations. Du coup, l’interpellation de Modeste Mutinga n’est pas à confondre avec un simple alarmisme. C’est plutôt un appel à l’éveil collectif pour éviter au pays un scénario digne d’apocalypse, par le fait de ses ressources naturelles.
Bien plus, c’est un appel à plus de responsabilité. Kinshasa devrait tirer toutes les conséquences des actes qu’il pose aujourd’hui. La grande ruée sur le pétrole congolais signe le tocsin de l’impérieuse nécessité pour le gouvernement à mettre de l’ordre dans ce secteur, en n’ayant pour seul credo que l’intérêt supérieur de la nation. La Constitution garantit la répartition équitable des richesses nationales.
Par Le Potentiel
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article interessant qui souligne une inquiètude réele de l'annonce d'un prochain conflit national.
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