vendredi 22 avril 2011

Tchad -Le pétrole tchadien change un peu le pays, mais tous n'en profitent pas

(Romandie.com 22/04/2011)

N'DJAMENA - La manne issue de l'exploitation du pétrole depuis 2003 a permis au Tchad de commencer à changer de visage, mais certains jugent que les investissements consentis ne changent pas réellement la vie de ses habitants appelés à voter lundi lors d'une présidentielle sans suspense.
Le Tchad a commencé à percevoir des revenus (du pétrole) à partir de 2004, rappelle le ministre des Infrastructures, Adoum Younoussmi, qui indique que le pays qui produit en moyenne 120.000 barils par jours a pu engranger jusqu'à aujourd'hui 3.000 milliards de FCFA (4,6 milliards d'euros).
D'après le ministre, le Tchad a vu son réseau routier grimper de 300 km à plus de 2000 km, a construit plus de 300 km de voirie urbaine, est passé d'une seule université (...) à cinq universités et six instituts de formation, a bâti 2.000 salles de classe par an ainsi que des hôpitaux et centres de santé.
Le ministre promet par ailleurs qu'en 2012 prendra fin le calvaire des Tchadiens en matière d'électricité, une centrale devant permettre d'éviter les innombrables coupures et délestages.
Le pétrole a apporté de la croissance, résume-t-il.
Avec ses nouvelles routes, le visage de la capitale a incontestablement changé. Toutefois, le prix des denrées alimentaires a doublé, voire triplé. A l'échelle du Tchad, les prix ont flambé, souligne un syndicaliste du secteur pétrolier tout en précisant que dans l'ensemble, le pétrole n'a pas fait que du mal.
L'avocate Delphine Djiraïbé, figure de la société civile, se montre critique: Dans la vie des Tchadiens, rien n'a changé. Les gens continuent de mourir de faim, du paludisme, ou de diarrhée parce qu'il n'y a pas d'eau potable.
Ceux pour lesquels la route est construite, sont ceux qui ont un véhicule, estime-t-elle. Elle ajoute que beaucoup des pétro-dollars ont été investis dans les armes pour préserver la sécurité dans ce pays longtemps soumis aux rezzous (raids) des rébellions tchadiennes.
Selon elle, le président Idriss Deby, au pouvoir depuis 1990 et qui se représente à un quatrième mandat dans une élection boycottée par les principaux opposants, a pu s'appuyer sur la manne pétrolière pour rénover son armée et faire face aux rebelles qui étaient parvenus en 2008 aux portes du palais présidentiel.
Signe de la grande pauvreté du pays, l'Indice de développement humain (IDH) place le Tchad en 2010 au 163e rang sur 169 pays, et selon le rapport 2010 Indice de la faim dans le monde de l'Ifpri, les niveaux de faim y sont extrêmement alarmants.
Le Tchad s'était engagé à affecter 70% des revenus pétroliers à la réduction de la pauvreté suite au financement par des organismes internationaux d'un oléoduc permettant au pays d'acheminer le pétrole produit dans la région de Doba (450 km au sud-est de N'Djamena) sur plus de 1.000 km à travers le Cameroun jusqu'au Golfe de Guinée.
Mais en 2008, la Banque mondiale avait supprimé son aide aux infrastructures pétrolières tchadiennes, reprochant à N'Djamena de n'avoir jamais respecté les accords. Le Tchad avait alors réglé ses prêts de 47 millions d'euros sur le pétrole auprès de la Banque mondiale, évoquant des incompréhensions.
Est-ce que ce que l'on fait est pour les Tchadiens, ou est-ce que c'est pour montrer à la communauté internationale que l'on fait une bonne utilisation de l'argent du pétrole?, questionne l'avocate qui reproche à la Banque mondiale d'avoir attendu que le mal soit fait et plaide pour un développement à visage humain.
La construction d'infrastructres scolaires, de centres scolaires, c'est visible, (...) mais il n'y a pas le personnel adéquat, analyse une autre figure de la société civile, le professeur de droit public, Gilbert Maoundonodji alors que de nombreux bâtiments neufs sont vides ou pas utilisés.

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