(La Presse Canadienne 19/04/2011)
ABIDJAN — Impacts de roquettes, murs noircis, blindés calcinés, chaos dans les appartements : la résidence présidentielle de Laurent Gbagbo à Abidjan, où il était retranché avec femme et enfants, porte encore les stigmates des heures qui ont précédé son arrestation le 11 avril.
Sur le mur de l'entrée principale de la résidence du quartier de Cocody (nord), une roquette a laissé un immense trou. Juste à côté, deux engins blindés dirigés vers la route d'accès ne sont plus que des carcasses calcinées.
La caserne de la Garde républicaine jouxtant l'entrée a été totalement détruite par les missiles des hélicoptères de la force française Licorne. Les diverses frappes ont permis aux combattants du président Alassane Ouattara d'entrer enfin dans une résidence dont, durant des jours, ils n'avaient pu déloger les défenseurs.
Un premier bâtiment, le poste de la garde armée du président, est en partie brûlé. Un mur est percé par deux roquettes.
Un chemin goudronné descend ensuite vers le portail d'accès à la résidence proprement dite, là où M. Gbagbo, sa femme Simone, des enfants et petits-enfants du couple et leurs employés - une centaine de personnes au total-, étaient retranchés jusqu'à l'assaut final et leur arrestation par les Forces républicaines (FRCI) de M. Ouattara.
Dans les allées tournant autour du large bâtiment moderne d'un étage, situé au bord de la lagune, une trentaine de 4X4 civils et de grosses berlines noir ou bleu sombre sont abandonnés çà et là, portes ouvertes, certains avec des impacts de balles.
La façade donnant sur la lagune est partiellement brûlée. Cinq voitures calcinées stationnées devant ont progagé l'incendie au bâtiment, explique un guide au Premier ministre Guillaume Soro, venu visiter les lieux lundi.
Conviée pour la visite, la presse n'a pas eu accès au sous-sol où M. Gbagbo a été arrêté.
Dans salons, bureaux et chambres, c'est le chaos. Tout a été mis sens dessus dessous: livres, documents divers, albums photos jonchent le sol, des meubles sont renversés, des tableaux sont à terre. Sans doute l'oeuvre des FRCI qui ont investi les lieux après l'arrestation.
A l'étage, dans les appartements privés et le cabinet de travail de la très fervente Simone Gbagbo, le même désordre indescriptible.
Les étagères d'une bibliothèque sont remplies de dizaines de lives et DVD religieux, dont une série sur "La révolution de l'Evangile".
Mais les documents étalés par terre témoignent d'une obsession: l'élection présidentielle de novembre, et notamment les cas de fraudes présumés. Jetée là, une cassette audio au titre détonnant: "un bisou pour Gbagbo".
Dans le dressing de "Simone", des dizaines de robes aux tissus africains sont encore accrochées aux penderies, et d'autres vêtements recouvrent entièrement le sol.
Dans la salle de bain, la grande baignoire ronde est encore remplie d'eau. Une bouteille de champagne de grande marque, vide, est posée sur le rebord.
Dans une pièce voisine, une chambre d'enfants est aussi complètement en désordre.
"Nous avons pu noter la violence des combats qu'il y a eu", a lancé le Premier ministre à l'issue de sa visite.
"On continue de s'interroger: comment quelqu'un peut-il s'enfermer dans une telle résidence, avec ses enfants, ses petits-enfants (...) comme si on voulait en faire un bouclier humain. Cela me choque", a ajouté M. Soro.
La Croix-Rouge a enlevé depuis vendredi cinq corps, dont un lundi - quatre militaires et un employé -, retrouvés dans des bâtiments annexes de la résidence.
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