vendredi 5 février 2010

Interconnexion Abidjan/Ouaga : De l’électricité à dose homéopathique

Eprouvant des difficultés passagères à satisfaire sa propre demande intérieure du fait de la panne d’une de ses centrales, la Côte d’Ivoire a dû réduire sa livraison d’électricité au Burkina. Conséquence, des délestages que les clients de la Société nationale d’électricité du Burkina Faso (SONABEL) subissent depuis quelques jours.

Ainsi que nous le disions dans notre édition du mercredi 03 février 2010, Ouagadougou est en fait plongée dans un cycle de délestages qui rappelle la série noire de mars 2008. Deux raisons avaient été invoquées pour cela, la première étant d’ordre accidentel : l’électrocution d’un agent SONABEL à la centrale n°1 sise à Paspanga qui avait entraîné des perturbations dans une partie de la ville. Sur ce 1er point, il convient de préciser qu’en fait d’électrocution, c’est plutôt une personne qui ne fait pas partie de l’effectif de la SONABEL qui a été électrisée. Fort heureusement, la vie de ce dernier, sous-traitant, serait hors de danger.
En outre, c’était juste le poste de distribution qui était concerné et non la centrale elle-même. La deuxième raison est de loin la plus importante. « Il nous revient en effet que la Côte d’Ivoire aurait interrompu sa fourniture d’électricité au Burkina parce qu’elle-même n’arrivant pas à satisfaire sa propre demande », écrivions-nous, à ce propos, annonçant également que le directeur général de la SONABEL, Salif L. Kaboré, serait, aux dernières nouvelles, en mission d’urgence au pays d’Houphouët pour certainement tenter de démêler cet écheveau énergétique qui a vite fait de prendre une tournure politique.
Ce déplacement est d’ailleurs confirmé par notre confrère ivoirien Fraternité Matin, qui ajoute que le DG de la nationale de l’électricité du Burkina a rencontré, lundi, les responsables du ministère ivoirien des Mines et de l’Energie, de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Selon de bonnes sources, le séjour en terre d’Eburnie de Salif L. Kaboré, qui serait rentré mercredi de sa mission d’urgence, n’aura pas été inutile puisque les deux parties seraient parvenues à un accord, qui reste cependant à être entériné par le politique.
Selon les estimations, si on recevait d’Abidjan 30 mégawatts (MW) jusqu’en fin mars et 50 à partir du mois d’avril jusqu’en fin juin, on devrait pouvoir traverser cette passe assez difficile. Les techniciens des deux côtés se seraient entendus sur le principe de cette demande qui attend bien sûr l’aval politique. A cet effet, à ce qu’on dit, le ministre burkinabè des Mines, des Carrières et de l’Energie (MMCE), Abdoulaye A. Cissé, devrait se rendre vers la mi-février à Abidjan pour rencontrer son homologue ivoirien en vue de finaliser les choses.
D’ores et déjà, on apprend que la partie ivoirienne n’a jamais coupé le jus. Ce sont les quantités fournies qui auraient diminué compte tenu des difficultés que la Côte d’Ivoire éprouve à satisfaire sa propre demande intérieure : l’arrêt, pour trois mois, de la centrale thermique AZITO ayant occasionné un manque de 150 MW sur l’ensemble de la production. Ce déficit représente pratiquement l’équivalent de toute la production burkinabè qui est de l’ordre de 200 MW. A cette panne s’ajoute l’équation de la gestion des points de pic de la journée (période de forte demande) des deux pays.
En effet, le Burkina connaît 3 points, à savoir : de 10h à 12h30 ; de 16h à 17h30 ; de 19h30 à 20h30 ; tandis que la Côte d’Ivoire n’en connaît qu’un : de 19h à 23h coïncidant avec le retour des travailleurs à la maison. C’est pourtant cette dernière tranche qui causerait des problèmes à l’Etat ivoirien pour fournir en énergie électrique les pays voisins avec lesquels il s’est engagé à le faire, notamment le Burkina Faso, le Bénin, le Ghana, le Mali et le Togo.
Ce serait donc la raison pour laquelle les clients de la SONABEL subiraient beaucoup plus les délestages pendant la tranche de 19h 30 à 20h30 ces derniers temps. Rappelons que, selon les clauses contractuelles qui lient les deux Etats dans le cadre de l’interconnexion, les Ivoiriens devraient fournir 83 MW à Ouaga et 30 MW à Bobo dont un minimum de 50 MW la première année. Beaucoup de gens se demandent alors si les accords internationaux qui règlent les problèmes de fourniture d’eau, d’électricité, etc., ne pourraient pas intervenir dans le cas présent.
Les textes en la matière, notamment ceux de la CEDEAO, comportent une clause « cas de force majeure », c’est-à-dire que ladite clause permet aux pays exportateurs d’énergie de surseoir à leur obligation de fourniture des pays-clients en cas de force majeure. Dans le cas ivoirien, la panne de la centrale AZITO constitue justement un cas de force majeure qui empêche actuellement les Ivoiriens de fournir conséquemment le Burkina en énergie, car il semble que même au temps fort de la crise ivoirienne, Bobo-Dioulasso n’a jamais été coupée en jus par Abidjan du fait du respect de cette clause.
Si tout se passe bien (la livraison effective de Ouaga d’au moins 30 MW par la Côte d’Ivoire), on devrait se sortir bientôt de cette nouvelle zone de turbulence qui repose le problème de notre indépendance énergétique car, comme dit l’adage, « Qui dort sur la natte d’autrui dort à même le sol ». Sur ce sujet, le problème de la dépendance ou de l’indépendance énergétique, c’est selon, a toujours été au cœur des préoccupations de la centrale de Komsilga avec ses 80 MW qui devrait être fonctionnelle vers juillet 2010 et le renforcement du centre régional de Ouahigouya devrait, dit-on, contribuer à résoudre ce problème.
Publié le 05-02-2010 Source : lobservateur.bf Auteur : lobservateur.bf

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