(Le Figaro 16/02/2010)
La Côte d'Ivoire a une fois de plus basculé dans la crise avec l'annulation sine die de l'élection présidentielle, sans cesse repoussée depuis 2005. Le président Laurent Gbagbo a annoncé la dissolution du gouvernement ainsi que de la Commission électorale indépendante (CEI), précisément censée organiser le scrutin.
La colère présidentielle était en partie prévisible. Depuis un mois, le clan Gbagbo attaquait la CEI et son président, Robert Beugré Mambé, accusé d'avoir tenté d'ajouter «frauduleusement» 429 000 personnes «étrangères» aux cinq millions d'électeurs que comptent les listes.
Les dénégations de Robert Beugré Mambé, un proche de l'opposition, ne calmaient en rien ses détracteurs. Pire, dans l'ouest du pays, la querelle débouchait sur un retour des violences. «La position de patron de la CEI était devenue intenable. Laurent Gbagbo cherchait depuis des semaines un moyen de repousser la date de l'élection. Cette histoire de faux électeurs lui a offert un prétexte en or», souligne un observateur.
La dissolution du gouvernement est plus surprenante. Les partis d'opposition, unis au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), ont très vivement réagi, dénonçant un «coup d'Etat» et appelant à «s'opposer par tout moyen à cette dictature».
Cependant, lundi, la situation semblait un peu s'apaiser. D'une part parce que Laurent Gbagbo a pris garde à ne pas briser le cadre des accords de Ouagadougou de 2007, qui avaient mis un terme à la guerre civile ivoirienne.
Soro reste premier ministre
Le premier ministre nommé alors, l'ancien chef de la rébellion Guillaume Soro, a été maintenu en place et chargé de former le nouveau gouvernement. D'autre part, car les chefs de l'opposition et rivaux de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et l'ex-président Henri Konan Bédié ne sont pas certains de pouvoir mobiliser leurs partisans dans les rues.
Lundi, Guillaume Soro s'est voulu rassurant. Il a promis une nouvelle équipe ministérielle «avant la fin de la semaine» qui préservera «les acquis de l'accord de paix». La tâche s'annonce délicate. L'opposition ne ferme pas la porte à sa participation, mais elle pose des conditions. Alphonse Djédjé Mady le président du RHDP a fait de la nomination d'une nouvelle CEI un préalable à leur participation au gouvernement. Or la formation de la future CEI a tout du casse-tête. L'opposition tient à y conserver sa position privilégiée que le clan Gbagbo conteste désormais ouvertement.
Les discussions tendues qui vont s'engager repoussent sans aucun doute les élections - que certains espéraient voir se tenir au mois de mars - de plusieurs mois. Elles devront être menées avec prudence. Les rixes de ces derniers jours ont démontré que la question de la nationalité, à l'origine de la crise en 2002, reste en Côte d'Ivoire un sujet explosif.
Par Tanguy Berthemet 16/02/2010 Le Figaro
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