mardi 16 février 2010

ECHEC DES NEGOCIATIONS AU NIGER: on attend le baroud d’honneur de la CEDEAO

(Le Pays 16/02/2010)
Devant l’arrogance et les turpitudes du régime en place à Niamey, l’opposition nigérienne a fini par opter pour la rue. En désespoir de cause, environ deux mille (2000) personnes ont ainsi exprimé leur ras-le-bol le week-end dernier à Niamey. Mais les campagnes de désobéissance civile, les journées « villes mortes », les manifestations de rue, vont hélas finir par s’essouffler et ce, de la manière la plus classique.
L’opposition nigérienne va devoir tout recommencer. Cela donnera encore du répit au président autoproclamé. Celui-ci semble avoir choisi de défier la communauté internationale, la CEDEAO en particulier. Cette dernière a intérêt à éviter l’échec, lequel est possible si des moyens plus sérieux ne sont pas mobilisés. Mais de quoi dispose-t-on aujourd’hui pour évincer un jour Mamadou Tandja ? Une intervention militaire du genre de ce qui est arrivé aux Comores est bien envisageable. Il suffit de le vouloir. Dans un tel scénario, il faudra associer l’Occident aux actions. Des relations de travail existent entre les organisations africaines et celles des pays occidentaux. La CEDEAO peut aussi bien prendre la décision de déclarer « illégitime » l’actuel gouvernement nigérien.
Par ailleurs, on peut faire appel aux sanctions ciblées. Il faut les exploiter en allant encore plus loin ; notamment en défaveur de chacune des personnalités appartenant à ce régime dont la nuisance est manifeste. Le président Mamadou Tandja qui se moque éperdument de tous, mérite d’être sanctionné. Car, si l’intéressé s’en sort, il fera des émules. Cela est inconvenant et anachronique dans une Afrique qui célèbre ses cinquante ans d’indépendance. L’entêtement de Tandja va de pair avec le comportement outrancier du président ivoirien Laurent Koudou Gbagbo. L’un comme l’autre, narguent régulièrement l’opinion internationale. Il est temps de sévir.
A l’exemple de l’opposition nigérienne, la CEDEAO va donc devoir durcir le ton. D’autant que le président dictateur a poussé l’audace jusqu’à recommander au peuple du Niger de « serrer la ceinture » car les temps à venir seront encore plus durs. La CEDEAO est donc interpellée. Le défi qui lui est lancé étant de taille, l’Organisation devra se montrer inflexible. C’est dire combien son baroud d’honneur est attendu. En rappel, malgré d’incessants appels au respect scrupuleux de la Loi fondamentale, le Président Mamadou Tandja, après deux mandats consécutifs, a joué les prolongations en toute illégalité. En effet, la Constitution du Niger interdisait au Président en exercice de se représenter pour un troisième mandat consécutif. Les électeurs nigériens s’attendaient donc à être convoqués aux urnes en décembre 2009 afin d’élire un nouveau Président de la République. Mais de manière unilatérale, le chef de l’Etat nigérien en place a décidé de prolonger son mandat de 3 ans.
Le Président Tandja a d’abord cherché à réviser la Constitution par voie référendaire, à environ six (6) mois de la fin de son mandat. Mais le Parlement et la Cour constitutionnelle y étaient opposés. La Cour constitutionnelle était alors dirigée par son propre ami Moumouni Djermakoye. Ce dernier a rendu l’âme avec la conviction que le chef de l’Etat faisait erreur. C’était sans compter avec la détermination d’un homme que la boulimie du pouvoir avait fini par rendre insensible à tout, superficiel et excessif. Il s’octroya donc indûment les pleins pouvoirs, exploita à fond l’article 53 de la Constitution pour interdire toute manifestation de l’opposition. Dès lors, son régime pouvait se baser sur des textes taillés sur mesure pour légitimer la répression de toute voix dissidente. La tenue du référendum était illégale. Mais Tandja demeura sourd aux appels de l’intérieur comme de l’extérieur. Ses thuriféraires savaient si bien l’entourer et le sécuriser.
Le processus démocratique ainsi remis en cause, la société civile, les opposants politiques sont alors montés au créneau pour exiger le respect de la Constitution dont le peuple s’était librement doté. Un climat de tension politique s’en est suivi et a nécessité l’intervention de la communauté internationale. Appelée à la rescousse, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a désigné un médiateur. Le Général nigérian Abdulsalami Abubacar, tente ainsi depuis quelques mois, de trouver un terrain d’entente entre pouvoir en place et opposition.
Les négociations doivent conduire à la mise en place d’un processus de transition consensuel. Celui-ci doit déboucher dans de brefs délais sur l’organisation d’élections présidentielle et législative pluralistes et transparentes. A l’heure actuelle, la médiation piétine. La raison en est que le régime Tandja verse dans le dilatoire. L’opposition qui ne sait plus où donner de la tête, a fini par ruer dans les brancards. Elle durcit continuellement le ton. Elle en est arrivée à prendre la rue en otage étant donné la fuite en avant du régime Tandja qui a délibérément choisi de défier la communauté internationale. A l’évidence, Tandja ne craint rien.
Il semble décidé à en faire à sa tête depuis la tenue de son référendum que la communauté internationale a pourtant condamné. Que va donc dire la CEDEAO qui se réunit très bientôt à son siège d’Abuja ? En fait, ce n’est pas de bon cœur que Tandja a accepté de dialoguer avec l’opposition. C’est tout simplement parce que cela lui permet de calmer le jeu. Tout de même, l’intéressé a le mérite de demeurer fidèle à lui-même.
En effet, jusque-là, il a gardé le cap en ayant pour souci de bafouer tous les principes et de tourner allègrement le dos à la communauté internationale. Si la crise perdure, le Niger vivra dans l’isolement diplomatique. Déjà le pays ploie sous le poids des sanctions économiques. En réaction au déficit démocratique, des mesures ont été prises par différents partenaires techniques et financiers. Ainsi en est-il de l’Union européenne qui a gelé son appui budgétaire et son aide au développement. Des partenaires bilatéraux comme le Danemark et les Etats-Unis, ont quant à eux, suspendu leur aide au développement.
En ce qui la concerne, la CEDEAO a suspendu le Niger de toutes ses instances. Bien entendu, les conséquences sont désastreuses pour les populations des villes et campagnes. Celles-ci, outre la situation politique qui compromet l’exécution des tâches, sont affectées par la vie chère, la crise alimentaire et la situation humanitaire.
Le Pays

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