(L'indépendant(bf) 22/02/2010)
Fin janvier 2010, le Ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation se livre à un exercice sur les reformes du code électoral. Une séance d’explication des reformes. Une question pour le moins inattendue. Mais déjà à l’avance, le ministre, dans sa réponse, a permis de comprendre jusqu’où le gouvernement est prêt à aller dans ses reformes. Parlons une fois encore des candidatures indépendantes au Burkina Faso comme on en a l’habitude ces derniers temps dans les colonnes de l’Indépendant.
Liberté pour liberté : il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement prend le large sur la question des candidatures indépendantes. Il est vrai que la question ne figurait pas dans la fameuse proposition de loi adressée au gouvernement par le parlement, mais tout de même, les autorités ont depuis sonné l’heure des reformes politiques.
Il est inconcevable que le débat puisse se mener sans la société civile. Les candidatures indépendantes aux législatives et aux municipales sont une revendication de la société civile. Elle y tient. En novembre 2006, une pétition portée par le Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et du Peuple a été lancée pour amener le gouvernement à prendre en compte la question. Le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille. Il a toujours réfuté la question des candidatures indépendantes. Et dans un récent point de presse, le Ministre Clément Sawadogo n’a pas fait dans la dentelle. Pour lui, la question est déjà réglée et le gouvernement n’entend pas revenir là-dessus.
Un tel langage sied-il dans un contexte où le grand sachem en mal d’inspiration ou dans un élan « d’hypocrisie politique » lance à tout vent des appels à proposition pour consolider notre démocratie ? A moins que l’invitation ne soit adressée qu’au politique. Contempteurs et partisans des candidatures indépendantes se fondent sur la Constitution. Les articles les plus en vue dans le débat, sont les articles 12 et 13. Selon l’article 12 : “Tous les Burkinabè, sans distinction aucune, ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la société. A ce titre, ils sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi ”. La Constitution en son article 13 stipule : « Les partis politiques et formations politiques se créent librement. Ils concourent à l’animation de la vie politique, à l’information et à l’éducation du peuple ainsi qu’à l’expression du suffrage. Ils mènent librement leurs activités dans le respect des lois... »
Les partis politiques toute tendance confondue sont particulièrement opposés à toute idée de candidature indépendante. Il est clair que si les partis politiques se créent librement au Burkina Faso, nulle part, il n’est dit que chaque citoyen doit obligatoirement militer dans un parti politique. Il faut donc permettre aux citoyens de participer à la gestion des affaires de la cité. Et quoi de plus normal que les candidatures indépendantes ? Pourquoi le pouvoir de la IVe République s’obstine tant à bloquer une proposition de la société civile qui a tous les fondements juridiques possibles ? Dans ce cas précis, les caciques de la IVe République ont des alliés, en la personne de l’opposition. Le comité ad hoc mis en place par l’Assemblée nationale pour réfléchir sur la reforme du Code électorale a laissé de côté la question des candidatures indépendantes. Ce qui peut paraître un sacrilège dans une démocratie qui se veut en expansion.
Du coup, les élections de 2011 et 2012 peuvent ne plus avoir les mêmes enjeux sans la possibilité des candidatures indépendantes. Un face à face CDP et alliés et opposition, le jeu est fait d’avance. En plus l’on va continuer à s’engluer dans le vieux débat de l’alternance sans jamais voir le bout du tunnel et sans innover un temps soit peu. Le Congrès pour la Démocratie et le Progrès peut continuer à botter en touche, mais tout de même pas l’opposition. A ce qu’il semble, elle n’a pas de strapontin à protéger, si ses calculs vont dans ce sens. Une chose est claire, il faut désormais intégrer le débat sur les candidatures indépendantes dans le champ de l’alternance politique à la tête du pouvoir. Une stratégie serait de faire rentrer le maximum de citoyens par le biais des candidatures indépendantes dans les rouages des communes et du parlement.
Au nom de l’ancrage démocratique, il faut ouvrir la scène politique à tout le monde. Les candidatures indépendantes peuvent aider à consolider notre jeune démocratie. Nos dirigeants qui n’ignorent pas cette donne, doivent certainement y réfléchir. Il est temps de mettre en application une telle démarche pour le salut de la démocratie burkinabè. Certains ont mis dans la balance la présidentielle, les législatives et les municipales. Si un citoyen lambda veut se présenter à la présidentielle, cela est possible. Mais plus près, s’il veut briguer le mandat de conseiller municipal dans son quartier, il lui faut s’affilier à un parti politique.
Il y a de la disproportion là dedans. A qui profite la démesure ? Tous les regards sont tournés vers les politiciens. Et si l’on sait combien les politiciens prennent soins de la société, il y a de quoi secouer le cocotier pour qu’ils lâchent du lest sur la question des candidatures indépendantes.
Aziz Vincent LEGMA L’Indépendant
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