mercredi 3 février 2010

Des parlementaires français demandent la vérité sur la disparition d'un opposant tchadien

Par THOMAS HOFNUNG
Le socialiste Gaëtan Gorce dénonce une «conspiration du silence» à N'djaména comme à Paris sur le sort d'Ibni Oumar Mahamat Saleh.http://www.liberation.fr/

Deux ans jour pour jour après la disparition, et l'élimination probable de l'un des principaux chefs de l'opposition tchadienne par le régime d'Idriss Déby à N'djaména, des parlementaires français ont décidé de passer à l'offensive pour tenter de faire la lumière sur l'assassinat d'Ibni Oumar Mahamat Saleh.

Lors d'une conférence de presse organisée, mercredi, à l'Assemblée nationale à l'instigation d'Amnesty international et de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), deux députés - l'UMP Françoise Hostalier (présidente du groupe d'amitié France-Tchad) et le socialiste Gaëtan Gorce - ainsi que le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur, ont évoqué la possible création d'une commission d'enquête parlementaire pour tenter de briser le silence autour d'une affaire aux relents de secret d'État. En cas de refus, ils envisagent de porter l'affaire de la justice.

Si la France est interpellée dans cette affaire, c'est que la disparition d'Ibni, un mathématicien formé à Orléans, s'est produite alors que Paris apportait un soutien déterminant, quoique discret, au président Déby alors assiégé dans son palais par des rebelles soutenus par le Soudan. En vertu d'un accord liant les deux pays, la France a fourni des renseignement et des munitions au pouvoir tchadien.

Enlèvement par des militaires

Sur place, ses soldats déployés dans le cadre du dispositif Épervier ont également sécurisé l'aéroport, permettant aux hélicoptères du régime, pilotés par des mercenaires, de porter des coups décisifs aux assaillants. Malgré les nombreuses démarches entreprises auprès des autorités françaises, le sort d'Ibni Oumar Mahamat Saleh n'est toujours pas connu à ce jour.
En septembre 2008, une commission d'enquête, formée à la demande de Paris et composée d'experts tchadiens et internationaux, avait établi que l'opposant, très respecté dans son pays, avait été enlevé par «sept à dix militaires, de l'ethnie Zaghawa», dont est issu le président Déby. Elle ne peut résulter, disait alors la Commission, que «d'une initiative personnelle d'un quelconque militaire subalterne». L'escadron agissait sur «ordre de sa hiérarchie ou des instances supérieures de l'État».

Pour Gaëtan Gorce, Paris a su «très tôt» quel sort avait été réservé à Ibni Oumar Mahamat Saleh. Paris dispose en effet de nombreux relais sur place. Au moment des faits, un officier de la DGSE encadrait la garde présidentielle. La publication de ce rapport n'a donné lieu à aucune suite judiciaire au Tchad. Françoise Hostalier a rappelé que le président français s'était engagé personnellement à ce que toute la lumière soit faite dans cette affaire.

Les engagements de Sarkozy

Lors d'un déplacement à N'Djamena, le 27 février 2008, Nicolas Sarkozy avait déclaré: «La France veut la vérité et je ne cèderai pas sur ce point». Gaëtan Gorce a dénoncé une «conspiration du silence» à N'djaména comme à Paris, estimant que le pouvoir français craignait sans doute qu'une enquête approfondie sur la disparition de l'opposant tchadien ne conduise tout droit dans les cuisines de la Françafrique.

Présent ce mercredi à l'Assemblée, Mohammed Ibni, l'un des deux fils du mathématicien, a lancé: «Nous ne faisons pas de politique. Nous sommes simplement des enfants qui voulons savoir la vérité sur la disparition de notre père.»


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