mardi 2 février 2010

Côte d’Ivoire : L’agenda caché de Gbagbo

De la préparation du scrutin de fin février-début mars, aux allures de véritable course d’obstacles, on a décidément envie de dire : "à chaque jour suffit sa peine". Et à ce rythme, il faut vraiment être armé d’une foi inébranlable et se montrer d’un optimisme béat pour encore croire en la tenue d’une élection présidentielle en Côte d’Ivoire à la date indiquée.

Assurément, que d’entraves sur le chemin de ces élections ! La plus récente, jusque-là apparemment non levée, est l’accusation "de fraude" portée par le président Laurent Gbagbo et ses partisans contre la Commission électorale indépendante (CEI). Une entrave qui n’a pas été sans bouleverser le traitement en cours des contentieux sur la liste provisoire des votants, avant publication de la liste définitive.
Alors que le processus électoral paraît, quelque part, "grippé" par l’évolution judiciaire de "l’affaire Beugré Mambé", du nom du président de la Commission, le directeur national de campagne de l’opposant Alassane Dramane Ouattara, le ministre Amadou Gon Coulibaly, s’est mêlé du débat en livrant sa part de vérité. Il accuse les militants du parti au pouvoir, le FPI, et par ailleurs agents de l’Institut National de la Statistique, d’être à la base du problème du fichier des 429.000 noms qu’on aurait tenté d’introduire frauduleusement sur la liste électorale.
A cette énième cause de l’agitation de la mare politique ivoirienne, il faut ajouter le gros pavé que viennent d’y jeter les Forces nouvelles, qui dénoncent avec fermeté, la "résurgence de l’ivoirité" en Côte d’Ivoire. Autant de signaux négatifs, qui n’augurent rien de bon pour la tenue à bonne date des élections, et qui achèvent de donner le sentiment que les accords de Ouagadougou n’engagent véritablement que ceux qui y croient.
En tout état de cause, on peut être presque sûr d’une chose : l’élection présidentielle de fin février –début mars ne se tiendra pas dans les délais requis. D’autant que toute prorogation du traitement des contentieux sur la liste, comme le réclame le camp Gbagbo, ne sera certainement pas sans effet sur le calendrier électoral. Prévue pour être terminée en janvier 2010, la publication de la liste électorale définitive et des cartes d’électeurs n’est toujours pas effective. Que dire alors de l’opération de distribution des cartes qui, à coup sûr, prendra elle aussi du retard.
Au total, il apparaît clairement qu’il est techniquement impossible de tenir le pari des élections, d’autant qu’on est à seulement un mois du délai fixé. Et si cette élection n’a effectivement pas lieu comme on est du reste en droit de le penser aujourd’hui, force sera alors de constater qu’il aura manqué, quelque part, la volonté politique et la bonne foi.
De fait, un "dysfonctionnement" au sein de la CEI, comme le concède la structure elle-même, ne devrait suffire à braquer le clan Gbagbo d’autant qu’en reconnaissant que tout n’a pas été parfait, elle accepte implicitement et courageusement de se regarder dans le miroir pour mieux avancer. A moins que Ggabgo et ses fidèles lieutenants ne cherchent à exploiter au maximum cette défaillance aux fins de retarder le plus longtemps possible l’organisation du scrutin. Ce qui ne serait guère étonnant.
Dans ses nombreuses analyses, "Le Pays" l’a plusieurs fois relevé : Laurent Gbagbo n’ira aux élections que s’il est certain de les remporter. Il se donnera du temps jusqu’au jour où il sera sûr que, pour lui, l’heure a enfin sonné. Le président ivoirien pourrait donc agir selon un agenda personnel secret.
En effet, dimanche dernier, il a lancé, à Abidjan, les préparatifs de la célébration du demi-siècle d’indépendance de son pays. La fête sera fastueuse en août prochain.
S’il visait un autre report de l’élection, Laurent Gbagbo pourrait faire traîner les choses jusqu’à cette date. Voire jusqu’en octobre, qui le ferait boucler 10 ans de présidence dont 5 ans de bonus entier. De toute évidence, on voit mal le président ivoirien donnant l’occasion à un de ses adversaires politiques de présider ses pompeuses festivités en tant que chef d’Etat de Côte d’Ivoire. Il ne voudra pas courir ce risque.
Et puis, le 14 juillet prochain à Paris, le président Gbagbo voudrait sans aucun doute compter parmi la dizaine de ses pairs africains qui seront invités par l’ancienne métropole aux grandes festivités qui commémorent la Révolution française. Des festivités qui feront un clin d’oeil aux 50 ans d’indépendance du pré-carré français. Une élection présidentielle en fin février se présentera assurément comme un gros risque pour le numéro un ivoirien qu’il ne voudra courir pour rien au monde.
Publié le 02-02-2010 Source : lepays.bf Auteur : lepays.bf

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