mardi 2 février 2010

Michel Losembe : « Aujourd’hui, les banques prêtent 1 milliard Usd à l’économie congolaise, contre 50 millions, il y a 5 ans »

Kinshasa Lundi 01 Février 2010 à 17:43:18
Le président de l’Association congolaise des banques, Michel Losembe, est confiant en l’avenir du secteur bancaire en RDC. Dans une interview exclusive à radiookapi.net, il parle des atouts, opportunités, défis et risques de ce secteur en pleine floraison.
Une vue de la Banque Congolaise à Kinshasa
Radio Okapi : est ce qu’on peut avoir une idée sur les banques congolaises, aujourd’hui. A qui elles appartiennent ?
Michel Losembe : Actuellement, il y a 16 banques qui opèrent ici en RDC. Probablement, 4 ou 5 autres banques, pour lesquelles la Banque centrale du Congo (BCC) a déjà accordé des agréments, vont fonctionner à partir de 2010. Ces banques ont une diversité d’actionnaires. Je dirais que nous avons plusieurs catégories de banques. Il y a des banques internationales comme celle que je gère, la Citibank, la Stanbic bank... Il y a des banques qui ont un caractère plus régional, qui se déploient dans d’autres pays d’Afrique de l’ouest francophone notamment au Nigeria. Et nous avons des banques qui appartiennent à des groupes d’hommes d’affaires qui évoluent en RDC. Maintenant, nous avons une nouvelle origine des banques, celles de micro crédits, qui appartiennent aussi à des bilatéraux et à certains banquiers européens. Donc, il y a plusieurs types d’actionnaires qui sont intéressés au secteur financier congolais.
R.O : et donc, il y aura encore 4 ou 5 nouvelles banques en RDC en 2010…
M. L. : d’après les informations dont nous disposons, il y a plusieurs banques qui ont introduit leurs demandes d’agréments à la Banque centrale du Congo et qui vont vraisemblablement les obtenir cette année.
R.O : quelle est la moyenne de capital pour les banques commerciales en RDC ?
M.L : le capital minimum tel qu’imposé par l’autorité de régulation de la BCC est de 10 millions de dollars américains. Donc, toutes les banques ont au moins ce capital là, sinon elles ne peuvent pas obtenir leurs licences bancaires. Il y a, bien entendu, des banques qui ont de capitaux largement supérieurs au montant minimum de 10 millions de dollars. En fonction de leur type d’activités, du niveau de crédits qu’elles ont octroyé à l’économie, elles ont renforcé leurs capitaux.
R.O : et on sait que la BCC avait demandé aux banques commerciales d’augmenter leurs capitaux jusqu’à au moins 10 millions de dollars américains. Où en sommes-nous avec cette mesure ?
M.L : je pense que l’ensemble des banques a agi en fonction de ces instructions parce que la Banque centrale du Congo l’a annoncé, il y a presque une année. Donc elles étaient déjà opérationnelles et ont eu le temps de s’organiser, soit en demandant aux actionnaires de remettre de l’argent sur table, soit en capitalisant leurs revenus qu’elles ont pu générer sur les années précédentes. Aujourd’hui, je dirais que toutes les banques sont en règle avec le capital minimum.
R.O : Il y a d’autres banques qui ont un capital beaucoup plus élevé que ce qui est exigé par la BCC. Si elles veulent aller au-delà de 10 millions USD, comment se présentera le scénario ?
M.L : les 10 millions USD est un planché. Aujourd’hui, le niveau du capital est rendu nécessaire par toute une série de ratios prudentiels par lesquelles les banques, si elles veulent donner des crédits à l’économie ou garder des impôts élevés, doivent augmenter le niveau de capital pour que ce dernier serve de coussin de sécurité pour les actionnaires et pour les déposants dans les banques. Donc, le niveau de capital, le planché est réglementé. Mais, plus les activités d’une banque augmentent, plus que le niveau de capital requis pour permettre ces activités est élevé. Donc, l’augmentation de capitaux de ces banques se sont effectuée de la même manière qu’elles l’ont fait pour le planché de 10 millions USD. C’est-à-dire, les actionnaires se mettent autour d’une table en décident d’augmenter le capital pour donner plus d’activités à leurs banques.
R.O : quel est le montant global que font circuler les banques commerciales ?
M.L : çà, c’est un chiffre difficile à déterminer. C’est le chiffre d’affaires des banques. Ce que je peux vous donner comme statistiques, qui seront plus complètes dès que nous aurons le chiffre exact des banques au 31 décembre 2009, est que les banques ont des dépôts qui serons, vraisemblance, supérieurs à 2 milliards de dollars à la fin de décembre 2009. Elles auront financé l’économie de la RDC au-delà de 1 milliard de dollars, le capital de toutes les banques va avoisiner les 200 milliards USD. Si vous regardez les statistiques, aujourd’hui, les banques prêtent 1 milliard Usd à l’économie congolaise, contre 50 millions, il y a 5 ans. C’est une progression exponentielle!
Rien que pour l’année 2009, les banques ont augmenté leurs capitaux de 80 millions USD ; les unes pour rejoindre le planché que nous avons évoqué de la BCC, les autres pour augmenter leur capitaux. Malgré la conjoncture économique difficile en 2009, le secteur bancaire a été le plus dynamique de l’économie congolaise, avec plus de 1 000 emplois créés. Alors que nous savons ce qui se passe dans le secteur minier, de télécommunication, de la grande distribution…, où les affaires ont été difficiles en 2009.
R.O : Vous avez dit qu’il y aura plus de 4 ou 5 banques qui vont ouvrir en 2010. Quels sont les services qu’elles vont apporter?
M.L. : l’objectif principal et des banques qui viennent s’installer en RDC et de banques existantes qui étendent leurs activités est de « ré-intermédier » l’économie. Vous savez que le Congo est le pays le plus sous bancarisé au monde. Nous avons au moins 300 ou 350.000 comptes en banques pour un pays de plus de 60 millions habitants. Ça fait 0,2 % de la population qui est bancarisée. Et ce ratio est l’un de plus faibles au monde. Donc, l’objectif principal de ces banques, et celui de l’autorité monétaire qui encourage aujourd’hui ces banques de se déployer, est de réduire graduellement cette désintermédiation et se ramener à quelque chose de plus proche des économies similaires. Autrement dit, arriver à une intermédiation autour de 15 à 20 % de la population : nous aurions entre 12 et 15 millions de Congolais qui auraient des comptes en banques.
R.O : est-ce que ces banques vont octroyer des crédits aux Congolais ?
M.L. : l’activité des crédits n’intervient qu’en deuxième position. Parce que les banques sont là, premièrement, pour collecter l’épargne. Elles ne créent pas l’argent qu’elles prêtent. Elles sont là pour prêter les fonds qu’elles collectent. Il faut que les Congolais aient, à nouveau, confiance dans leur système financier, qu’ils viennent y déposer les fonds qui circulent pour l’instant en espèces. A partir du moment où les banques deviennent le gardien de cette liquidité, elles vont commencer à financer les parties de l’économie qui en ont besoin et créer un effet de levier qui permette un décollage économique.
R.O. : On remarque que les banques qui existent en RDC donnent des crédits à court terme. Pourquoi cela ? M.L. : cette question est liée à la précédente. Les banques peuvent prêter à long terme si les déposants leur confient leur argent à long terme. Vous savez que nous venons d’une longue période d’instabilité économique (les années 90 - 2000). Les gens n’ont pas une grande capacité d’épargne. L’argent qui vient en banques aujourd’hui, c’est de l’argent à court terme : on dépose l’argent aujourd’hui ; et demain, on paie un fournisseur ou le sort pour faire face à un besoin urgent. Les autorités monétaires étudient comment elles peuvent rendre les banques plus sûres, à travers un certain nombre de réformes de contrôle, pour que celles-ci ne faillissent pas à leur devoir et que les gens leurs fassent confiance. Il y a des bailleurs de fonds également qui discutent avec les banques pour voir comment ils mettre à leur disposition des fonds à long terme. Tout ça c’est un processus. Il faut peu de temps pour détruire la confiance, mais il en faut beaucoup pour la reconstruire. C’est ce défi-là que l’Association congolaise des banques tente de relever.
R.O : aujourd’hui, nous assistons à une floraison des banques en RDC ; alors que le rapport de « Doing business » 2009 classe la RDC moins opportune sur le plan économique. Comment expliquer ce contraste ?
M.L : l’un explique l’autre. Je venais de vous parler, ci haut, de statistiques de la sous bancarisation. Quand on sait qu’il y a 350 comptes en banques, alors qu’il devrait en avoir 12 millions, ça attire les investisseurs du secteur financier. Ils se disent qu’il s’agit d’un secteur qui a une très forte capacité de croissance.
Ensuite, tout le monde est conscient que l’économie congolaise devrait être plus importante que ce qu’elle est aujourd’hui. Le Produit intérieur brut (PIB) est à 8 milliards de dollars pour un pays si grand avec une aussi grande population. Tout le monde s’attend à ce que nous remontions très rapidement dans les capacités de cette économie à 40 ou 50 milliards USD dans la prochaine décennie. C’est une perspective économique importante que les banques, surtout celles à caractère régional, ne peuvent ignorer.Maintenant, l’appétit de s’installer en RDC reste limité à cause du mauvais climat d’affaires, parce que les banques souffrent de 10 000 tracasseries.
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