(Le Figaro 27/12/2012)
Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) défie à nouveau le gouvernement français. Dans une vidéo postée par le site mauritanien Sahara Media, canal habituel de diffusion des messages du groupe, un des principaux chefs d'Aqmi impute à Paris l'enlisement des négociations sur la libération des otages. Abou Zeid, dont les hommes détiennent les quatre Français capturés le 16 septembre 2010 au Niger, sur un site d'Areva, affirme qu'«il y a un an environ, (ils ont) averti la France de (leur) disposition à négocier» et que «depuis (ils) attend(ent) sa réponse».«La France est responsable de l'arrêt des négociations (…) et Aqmi reste ouverte au dialogue», assure-t-il par ailleurs dans ce film de quatre minutes.
Abou Zeid présente son communiqué comme une réponse à la vidéo diffusée par Clément Legrand, le frère de l'un des otages, début décembre. Il y demandait des nouvelles de son frère Pierre et les raisons du blocage des pourparlers. En réalité, cette prise de parole des djihadistes, muets depuis le 8 septembre, date à laquelle une bande montrant les captifs était parvenue à Sahara Media, a sans doute des raisons plus profondes. La situation dans le nord du Mali, aux mains d'Aqmi et d'autres groupes extrémistes, se fait plus complexe. Il y a moins d'une semaine, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté une résolution autorisant une intervention armée africaine pour libérer le nord du Mali. Or Paris s'est montré très actif dans l'adoption de ce texte.
Islamiste intransigeant
«La sortie d'Aqmi est une réponse à cette résolution. Abou Zeid rappelle simplement qu'il détient des Français et que leur vie est en jeu s'il n'obtient pas ce qu'il veut», estime un spécialiste. Les véritables objectifs visés par Aqmi sont plus mystérieux. «Soit al-Qaida a effectivement besoin d'argent pour financer son extension, soit ils veulent simplement accentuer la pression médiatique sur le gouvernement français et se servir des otages comme bouclier humain», continue cet expert.
Jusqu'à présent, l'énormité de la rançon demandée, 100 millions d'euros, semblait plaider pour la seconde hypothèse. Al-Qaida est-elle revenue à des sommes plus réalistes? Rien ne filtre à ce sujet. «Dans tous les cas, il semble difficile d'imaginer la France payant des ennemis au moment même où elle forme les soldats maliens et finance des Africains pour les combattre. Dun autre côté, la mort d'otages serait un terrible échec», analyse un homme politique malien. Ce piège, Paris ne le connaît que trop. Et la vidéo postée mercredi n'y ajoute pas grand-chose.
La nouveauté est ailleurs. Pour la première fois, c'est Abou Zeid qui apparaît sur cette bande. L'homme, un Algérien réputé comme un islamiste aussi intransigeant qu'intelligent, est extrêmement secret. On ne connaissait de lui que quelques photos floues et controversées. Sa brusque médiatisation a donc surpris. Tout est cependant très calculé: avec sa barbe blanche, sa diction lente et modérée, il prend des allures de vieux sage. La mise en scène, sur fond de drapeau noir avec une kalachnikov, évoque Oussama Ben Laden. «Cette apparition au grand jour est peut-être le signe qu'il y a des négociations en cours et qu'Abou Zeid, en se montrant au grand jour, y apporte sa caution. Il cherche aussi probablement à se poser en chef», souligne le diplomate mauritanien Ahmedou Ould Abdallah.
Aqmi a connu ces dernières semaines de profondes tensions. Moktar Belmoktar, dirigeant historique de la nébuleuse, a en effet pratiquement fait scission pour rejoindre le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Contrôlant Gao, ce groupe, qui est longtemps passé pour une filiale d'al-Qaida, serait maintenant largement autonome. En intervenant en personne, Abou Zeid tente de ressouder ses troupes et se pose comme l'interlocuteur de la France.
Par Tanguy Berthemet
Par Tanguy Berthemet, Service infographie du Figaro Mis à jour le 27/12/2012 à 07:22
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