(Le JDD.fr 20/12/2012) Dans son discours devant le Parlement algérien jeudi,
François Hollande a évoqué la "torture" lors de la guerre d'Algérie et cité le
massacre de Sétif. Deux évènements que Nicolas Sarkozy n'avait pas mentionnés
lors de son discours à Alger quatre ans plus tôt.
Le 3 décembre 2007,
Nicolas Sarkozy était à Alger. Ce jour-là, il prenait la parole devant un
parterre de chefs d'entreprises français et algériens. Cinq ans plus tard, c'est
François Hollande qui est venu adresser à l'Algérie ses premiers mots en tant
que président de la République, cette fois devant le Parlement. Deux auditoires
différents face auxquels l'un comme l'autre sont revenus dans leurs discours sur
le passé douloureux qui lie la France à l'Algérie.
Sur la colonisation,
Nicolas Sarkozy et François Hollande ont livré un discours similaire. En 2003,
le premier avait qualifié ce système de "profondément injuste et "contraire" aux
principes de liberté, d’égalité et de fraternité. François Hollande a, lui,
choisi les termes "injuste et brutal" pour dénoncer la colonisation et "les
souffrances infligés au peuple algérien".
"D’innombrables victimes des
deux côtés"
Mais jeudi, François Hollande est allé plus loin dans la
reconnaissance de la responsabilité de la France. D'abord parce qu'il a
explicitement cité "les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata". Une étape
supplémentaire puisqu'il aura fallu attendre février 2005 pour que l'ambassadeur
de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, qualifie, lors d'une visite à
Sétif, les "massacres du 8 mai 1945" de "tragédie inexcusable". Cette
déclaration constituera la première reconnaissance officielle de sa
responsabilité par la France. S'il avait reconnu que "des crimes terribles ont
été commis", Nicolas Sarkozy n'avait pas explicitement évoqué ces
massacres.
Et l'ancien chef de l'Etat avait même nuancé son discours sur
la colonisation. "Il est aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système, il
y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont aimé l’Algérie, avant de devoir
la quitter. Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long de la guerre
d’indépendance, qui a fait d’innombrables victimes des deux côtés", avait-il
expliqué.
L'ouverture des archives
Mais si François Hollande s'est
différencié de Nicolas Sarkozy dans son discours, c'est aussi et surtout parce
qu'il a employé le mot "torture" pour décrire certains des actes commis pendant
la guerre d'Algérie. Le président a en effet rappelé le "devoir de vérité sur la
violence, les injustices, les massacres, la torture". Une première pour un chef
de l'Etat français en visite en Algérie.
Lors de son discours devant le
Parlement algérien le 3 mars 2003, Jacques Chirac n'avait pas employé le terme
"torture" mais évoqué une "guerre qui, longtemps, ne voulut pas dire son nom.
Elle fut meurtrière, parfois inexpiable." En 2007, Nicolas Sarkozy n'avait pas
non plus évoqué les "tortures" lors de la guerre d'Algérie alors que les travaux
de nombreux historiens et de multiples témoignages des victimes de la guerre
d'Algérie font état de telles violences.
Pour faire connaître la vérité,
Nicolas Sarkozy en avait appelé aux historiens. "Le moment est venu de confier à
des historiens algériens et français la tâche d’écrire ensemble cette page
d’histoire tourmentée pour que les générations à venir puissent, de chaque côté
de la Méditerranée, jeter le même regard sur notre passé et bâtir sur cette base
un avenir d’entente et de coopération", avait-il déclaré en 2003, alors que la
question de l'ouverture des archives fait partie des points sensibles dans la
relation franco-algérienne. François Hollande a lui formulé une demande plus
explicite, à l'endroit du gouvernement algérien : "Il est nécessaire que les
historiens aient accès aux archives." En revanche, ni François Hollande ni
Nicolas Sarkozy, ni Jacques Chirac n'ont exprimé d'excuses pour la guerre
d'Algérie ou même l'idée de repentance.
Caroline Vigoureux -
leJDD.fr
jeudi 20 décembre 2012
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