(Le Figaro 18/12/2012)
Le congrès de l'ANC (Congrès national africain), qui s'est ouvert dimanche à l'Université de Bloemfontein, dans le centre du pays ne devrait pas, sauf surprise, bouleverser l'avenir de l'Afrique du Sud. Jacob Zuma devrait être reconduit lundi soir à la tête du parti de Nelson Mandela. Autant dire, dans ce pays où l'ANC joue un rôle incontournable, s'assurer une réélection à la tête de la première puissance économique d'Afrique en 2014.
Ce parcours n'a pas été facile. En 2007, son prédécesseur, Thabo Mbeki, avait été éconduit de présidence de l'ANC avant d'être forcé d'abandonner celle du pays. Cette fois Zuma, 70 ans, sera mis en concurrence avec son vice-président Kgalema Motlanthe. Il a le soutien de six des neuf provinces du pays, dont la province du Kwazulu Natal qui représente seule près du quart des délégués. Zuma part donc avec une large avance. Selon des décomptes de la presse sud-africaine, il disposerait de plus de 2200 délégués contre 900 à son adversaire. Mais le scrutin qui a lieu à bulletins secrets n'est pas acquis. Théoriquement.
Jacob Zuma a tout fait, ces derniers mois pour faire cesser le suspense. «La route vers Bloemfontein a été très longue. Le processus de nomination a été entaché d'irrégularités, d'intimidations et même de violences», fait remarquer un délégué de la province du Cap-Ouest. Julius Malema, l'impétueux et très populiste président de la Ligue de la jeunesse de l'ANC, a été écarté du parti. Kgalema Motlanthe, un ancien syndicaliste, considéré par ses amis comme solide et honnête, a attendu la veille de la conférence pour annoncer officiellement sa candidature contre son camarade Zuma. Une réponse à l'entrée en lice de Cyril Ramaphosa, autre ancien leader syndical devenu millionnaire au poste de vice-président du parti pour l'instant entre les mains de… Kgalema Motlanthe. De l'avis de tous, Cyril Ramaphosa, un poids un lourd de la politique sud-africaine pourrait légitimer un président en perte de vitesse.
Un mouvement divisé
Au final, l'ANC présente l'image d'un parti très divisé, en proie à de profondes luttes intestines et au centre de nombreux scandales. Zuma a nourri les gazettes. Le «Nkandlagate» est l'une des plus grosses affaires du quinquennat. Il est reproché au président d'avoir bâti à Nkandla, son village natal, et au frais du contribuable un gigantesque complexe comprenant des logements, un gymnase, une piste d'hélicoptère et des immeubles. Pour se justifier, la présidence affirme que ces rénovations sont liées à la sécurité du chef de l'État. «Des climatiseurs qui ont coûté un million et demi de rands! (100.000 euros)», s'est exclamée Lindiwe Mazibuko, représentante de l'Alliance démocratique (AD), l'opposition, au Parlement. Mais le bilan de Jacob Zuma n'est pas seulement critiqué par ses ennemis politiques.
C'est à l'intérieur du parti que ses adversaires les plus farouches sévissent. Lui reprochant d'avoir évincé Malema, les «freedom economic fighters» critiquent haut et fort la politique ultracapitaliste du parti au pouvoir. Dans un pays ou la moitié de la population est au chômage, le message porte facilement. Le massacre de Marikana du 16 août 2012, où 34 mineurs en grève ont été tués par la police, a entraîné une contestation sociale sans précédent.
C'est là que réside la vraie difficulté pour Jacob Zuma. Car, au-delà du processus électoral, les délégués du Congrès vont aussi discuter de la ligne économique à adopter dans les cinq ans à venir. Le ministre du Plan Trevor Manuel espère faire adopter une version révisée du NDP (National Development Plan), un document censé éradiquer la pauvreté et créer 11 millions d'emplois d'ici à 2030. Soutenu par une trentaine de directeurs exécutifs des plus grandes sociétés du pays, le document part du principe que l'essor du secteur privé reste la locomotive de la création d'emplois.
Cette ligne d'action est évidemment fortement contestée par l'aile gauche du parti. Certains délégués ont par ailleurs bien l'intention de remettre sur le tapis des questions qui fâchent. «Nous allons proposer la nationalisation des secteurs du fer, du magnésium, du platine, du manganèse, du charbon et du zinc», a déclaré Khusela Sangoni-Khawe, porte-parole de la Ligue de la jeunesse de l'ANC. La question des nationalisations comme celles de la redistribution des terres ou de la discrimination positive seront examinées en sous-commission de travail. Et là, les débats promettent d'être houleux.
Par Caroline Dumay
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