jeudi 20 décembre 2012

Centrafrique - REBELLIONS EN CENTRAFRIQUE: les limites de la politique du canon

(Le Pays 20/12/2012)

Depuis plus d’une décennie, la Centrafrique est constamment en proie à des rébellions répétées. En moins d’une semaine, des rebelles ont conquis, sans forte résistance, la moitié du territoire national. On se souvient que feu le président Ange-Félix Patassé avait eu recours aux miliciens du Congolais Jean-Pierre Bemba pour arrêter l’avancée de l’ex-chef rebelle, François Bozizé, actuel Chef de l’Etat centrafricain.
Aujourd’hui, l’ex-chef de guerre congolais est détenu à la Haye, par la CPI où il attend son procès. La douleur des crimes perpétrés par ses sbires et satrapes continue à souiller la conscience collective centrafricaine. Quant au président Bozizé, ancien rebelle parti lui-même du territoire tchadien, il a lui aussi eu jadis un parrain, le président Idriss Déby, qui joue les gendarmes dans cette région. C’est dire qu’en Centrafrique, l’Histoire est un éternel recommencement. Ce pays est-il devenu insaisissable, victime de « coups du destin ? » Il existe une analogie entre la situation sécuritaire de la RDC et celle de la Centrafrique. Les anciens rebelles sont des déserteurs de l’armée nationale régulière. Comme en RDC, ils ont signé, en 2007, des accords dits de paix avec le pouvoir de Bangui, accords qui n’ont jamais été respectés.
Comme en RDC, on assiste à une gestion conjoncturelle des crises et non à une gestion durable. Y aurait-il un lien entre l’avancée spectaculaire de cette nouvelle rébellion et les récentes tentatives de réorganisation de sa garde par le président Bozizé ? La question mérite d’être posée. Quant au parrain, Idriss Déby lui-même, n’est-il pas aussi un ancien chef rebelle arrivé au pouvoir par les baïonnettes ? A l’instar des armées africaines dites nationales, l’armée centrafricaine vient de nous montrer qu’elle n’est qu’un pur concept administratif. Les accords signés avec les mouvements rebelles d’hier et d’aujourd’hui, sont issus de compromis politiques pourris. En règle générale, ils reposent sur une pure logique politicienne, c’est-à-dire maintenir le régime en place à Bangui.
C’est pourquoi, ces accords douteux et souvent médiocres, de surcroît non appliqués, ne font que nourrir les rébellions de demain. Ils peuvent faciliter une suspension des hostilités mais ils ne règlent pas le problème de fond. On les appelle des trêves, c’est-à-dire de simples paix temporaires. Or, le peuple centrafricain aspire à une paix durable, permanente. Le problème qui se trouve au cœur de ces rébellions à répétition est celui de la gouvernance démocratique. Le plus troublant, c’est que le pouvoir de Bangui n’établit aucune connexion entre paix durable et démocratie. Car dans un Etat de droit, les rebelles auraient trouvé en face d’eux un cadre de concertation.
Ici, la peur de la démocratie érode toute possibilité de compromis politiques durables. La gouvernance du régime Bozizé est donc vide de sens puisqu’elle refuse tout dialogue avec l’opposition politique civile. Au lieu de jouer au sapeur-pompier, en permanence, Déby ferait mieux de conseiller à Bozizé d’engager un véritable dialogue national avec son opposition. La démocratie est une manière raisonnable de vivre ensemble ; en Centrafrique, comme ailleurs, elle réussit à secréter à l’intérieur d’elle-même des espaces publics de discussion, de confrontation et de contestation. La solution du canon est donc une solution paresseuse. Et quand elle confine à l’idolâtrie, elle peut conduire à un suicide collectif.

Abdoulaye BARRO
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