(Liberation 13/12/2012)
Analyse - L'éviction du Premier ministre, Cheikh Modibo Diarra, diffère encore le déploiement d'une force militaire pour chasser les islamistes dans le nord du pays.
Jamais, peut-être, une intervention militaire n’aura été aussi annoncée, attendue et sans cesse différée. L'éviction manu militari dans la nuit de lundi à mardi du Premier ministre du Mali, Cheikh Modibo Diarra, par les hommes du capitaine Amadou Sanogo risque en effet de freiner un peu plus la perspective d’une opération militaire rapide pour chasser les islamistes du nord du Mali. Les deux tiers du territoire de cette ancienne colonie française sont tombés aux mains de groupes radicaux depuis le printemps dernier.
Paris, qui craint que cette vaste zone de non-droit ne se transforme en sanctuaire terroriste pour préparer des attentats majeurs contre ses intérêts dans la région, voire en Europe, plaide depuis des mois pour le déploiement d’une force africaine, fortement soutenue par les Occidentaux (Français et Américains au premier chef). Officiellement, l’organisation sous-régionale ouest-africaine, la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), est sur cette même ligne. Mais en son sein des pays clés, comme le Burkina Faso (qui fait office de médiateur), souhaitent éviter cette solution extrême et privilégient toujours le dialogue politique.
L'éviction du Premier ministre malien devrait, en outre, apporter de l’eau au moulin des Etats-Unis qui demandent, avant de soutenir une intervention militaire dans le nord du Mali, la mise en place d’un gouvernement légitime à Bamako, issu d'élections transparentes et crédibles. La semaine dernière, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a averti la communauté internationale des risques d’une opération militaire, notamment sur le plan humanitaire. Une résolution autorisant le recours à la force dans le Nord-Mali est toujours en discussion au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.
Malgré ces difficultés, Paris réaffirme sa détermination à aller de l’avant. Lundi, Paris a obtenu le feu vert de Bruxelles pour l’envoi de formateurs européens auprès de l’armée malienne, dont la participation en première ligne à la future opération de reconquête est jugée cruciale par les Africains et les Européens. Mais le Quai d’Orsay n’a pas caché, en termes diplomatiques, une forme d’exaspération vis-à-vis des atermoiements - politiques et militaires - à Bamako. «Alors que la communauté internationale, la Cédéao, l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne sont mobilisées pour aider le Mali à recouvrer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, chacun, au Mali, doit se montrer à la hauteur des défis auxquels le pays est confronté», dit le ministère français des Affaires étrangères. C’est, précisément, l’un des principaux obstacles à lever pour tenter de réunifier le Mali. Désormais, on évoque l’automne 2013 pour envisager le déploiement de la force africaine dans le Sahel.
Par THOMAS HOFNUNG
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