(L'Observateur Paalga 22/03/2013)
Amadou Toumani Touré n’habitait déjà plus la fonction. Même
quand la guerre a éclaté au Nord-Mali, ce n’était pas vraiment sa préoccupation
essentielle, pressé qu’il était, à quelques mois de la présidentielle, de
refiler la patate chaude à son successeur pour s’adonner tout entier à l’art
d’être grand-père et à d’autres plaisirs simples d’une personnalité déchargée de
la responsabilité suprême.
Autant dire que, quand le 22 mars 2012,
lorsqu’il est contraint de dévaler les hauteurs de Koulouba pour échapper aux
militaires qui menaçaient de prendre le palais présidentiel, ce fut quelque part
une délivrance pour lui, même s’il était loin d’imaginer qu’il partirait dans
ces circonstances.
24 heures plus tôt, quand les militaires de la garnison de
Kati, emmenés par un officier subalterne jusque–là “inconnu au régiment” ; si on
ose le dire ; descendent sur Bamako, c’était moins pour s’emparer de la «colline
du pouvoir» que pour réclamer des moyens conséquents afin de délivrer le
septentrion malien des narco-salafistes qui l’avaient mis sous coupe réglée.
Mais l’occasion faisant aussi le putschiste, le capitaine Amadou Haya Sanogo
termina la manœuvre pour s’asseoir sur le fauteuil laissé vacant par ATT. A la
partition du pays s’ajoutait ainsi une crise institutionnelle dont le pays se
serait bien passé.
A l’issue d’un intermède de quelques semaines, le
capitaine d’opérette, sous la pression, pliait bagages pour laisser place à la
solution constitutionnelle défendue par la communauté ouest-africaine et
internationale mais un an après son départ il a rarement été aussi présent,
plombant davantage de son insistance une scène sociopolitique sur laquelle il
était entré par effraction.
Début janvier, avant que les troupes françaises
n’entrent en action, on suspectait même le trublion de Kati de vouloir refaire
un putsch avec la complicité des ...djihadistes.
Le plus cocasse dans
cette affaire, c’est que le boutefeu qui piaffait d’impatience de monter au
front et qui avait quitté son camp exprès un matin de mars 2012 pour venir
réclamer la logistique en vue de casser du djihadiste tourne depuis le dos au
champ de bataille où les soldats français et tchadiens, venus acheter la
bagarre, se font massacrer pendant que les militaires de salon se disputent à
Bamako les strapontins les plus gras de la république.
Nul besoin d’être
grand clerc pour savoir à qui s’adressait Idriss Déby Itno, quand, sans doute
passablement excédé par l’apathie suicidaire de ce qui reste de l’armée
malienne, il lançait au sommet de la CEDEAO tenu le 27 février dernier à Abidjan
: «Soldats maliens, votre place est au front pour accomplir votre tâche de
protection des populations». Imprécations reprises, mutatis mutandis par un
militaire malien dans une “Lettre ouverte” au président Dioncounda Traoré,
publiée par notre confrère Le républicain et qui vaut à son directeur de
publication, Boukary Daou, d’être embastillé depuis le 6 mars 2013.
Mais
celui qui peut se sentir morveux et qui pouvait être tenté de se moucher
bruyamment sur un journal s’en lave les mains, prétendant n’être mêlé ni de près
ni de loin à cette malheureuse affaire. Difficile bien sûr de le croire mais on
aurait même été soulagé qu’il en fût l’instigateur, car si c’est le président
intérimaire qui a agi comme un grand en prenant sur lui la responsabilité
d’arrêter le journaliste, ce serait plus grave qu’on ne le pense. Car ce serait
la preuve qu’il est tellement incapable de se défaire de l’emprise de son
bourreau présumé qu’il en vient même à devancer ses désirs.
On n’oublie
pas en effet que le capitaine Sanogo est sérieusement suspecté d’être la main
invisible qui a téléguidé la meute hurlante qui s’en était violemment prise, le
21 mai 2012, à Dioncounda Traoré, le laissant même pour mort. Ce jour–là, la
république était vraiment tombée plus bas que bas et revenu de son évacuation
médicale en France, l’intermittent de Koulouba semble désormais savoir ce qu’il
a à faire pour ne pas déplaire à celui qui avait fini par avoir la peau du
Premier ministre Cheikh Modibo Diarra en faisant redescendre sur terre
l’astrophysicien qui était manifestement sur une autre planète.
Ainsi est
notre homme qui est depuis douze mois, quoi qu’on fasse, au centre du jeu
d’influence, au cœur des petites et grandes intrigues sur les bords du Djoliba.
Juste pour en avoir eu le cran à un moment où il suffisait de se baisser pour
ramasser un pouvoir chancelant. La vérité est que ce Dadis–des-sables n’a plus
vraiment très envie de retourner à sa vie d’avant, celle de petit commandant de
compagnie. Certains chefs mettent de longues années, souvent avec la
bienveillance intéressée de leur entourage, à avoir les vertiges du trône, pour
lui, il n’aura fallu que quelques petites semaines. La guerre, c’est désormais
pour les autres.
Bombardé président du comité militaire de suivi de la
réforme des forces de défense et de sécurité, il verra tomber chaque mois dans
son compte bancaire la rondelette somme de quatre millions de francs CFA.
Pourquoi, dans ces conditions, courir le risque d’aller se faire zigouiller de
l’autre côté ? Mais si ce n’est pas une prime au coup d’Etat, ça y ressemble
fort et le risque est grand que ce genre de prébendes suscite des vocations
alors que le travail est loin d’être terminé au Nord ; que l’intégrité du
territoire n’est pas entièrement rétablie et que les villes reconquises ne sont
pas totalement pacifiées. La preuve, pas plus tard que mercredi nuit, un
kamikaze s’est fait sauter de nouveau à Tombouctou, faisant 2 morts dont un
soldat malien. Mais ça, le capitaine qui continue de parader à Bamako et de
tenir en laisse Dioncounda n’en a cure.
Ousséni Ilboudo
© Copyright L'Observateur
Paalga
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