(Liberation 26/03/2013)
Le chef de la rébellion centrafricaine Michel Djotodia, dont
les éléments contrôlent le pays, se posait lundi en successeur du président
François Bozizé, qui a quitté Bangui pour se réfugier au Cameroun. Il a annoncé
dans la soirée vouloir suspendre la constitution et légiférer par ordonnance
pour conduire la transition du pays, dans un discours à la presse
lundi.
«J’estime nécessaire de suspendre la Constitution du 27 novembre
2004, de dissoudre l’Assemblée nationale ainsi que le gouvernement. Pendant
cette période de transition qui nous conduira a des élections libres, crédibles
et transparentes, je vais légiférer par ordonnances», a déclaré Michel Djotodia.
Si M. Djotodia ne s’est pas explicitement autoproclamé président de la
République, il se pose clairement en nouveau maitre du pays. «En respectant
l’esprit des accords de Libreville, je vais reconduire le Premier ministre
(Nicolas Tiangaye), chef du gouvernement d’union nationale dans ses fonctions»,
a-t-il déclaré. «Nous nous engageons à conduire désormais les destinées du
peuple centrafricain pendant cette période de transition consensuelle de 3 ans
conformément aux accords politiques de Libreville», a ajouté M.
Djotodia.
Il a ensuite énuméré les objectifs du prochain gouvernement,
notamment «restaurer la paix et la sécurité, réorganiser les forces de défense
et de sécurité, réorganiser l’administration territoriale» et «poursuivre le
processus de DDR (désarmement, démobilisation et réintégration)» des anciens
combattants. «Nous regrettons les dégâts collatéraux (pillages, violences) et
nous nous emploierons à y mettre fin très rapidement», a affirmé Michel Djotodia
qui demande aux «travailleurs du secteur public et privé de reprendre le travail
dès demain mardi».
Président réfugié
«Le président François Bozizé
a cherché refuge au Cameroun où il se trouve actuellement dans l’attente de son
départ vers un autre pays d’accueil», a annoncé la présidence camerounaise dans
un communiqué lu à la radio nationale lundi. Sa famille a elle été prise en
charge en République démocratique du Congo (RDC), a indiqué lundi le
porte-parole du gouvernement et ministre des médias congolais, Lambert
Mende.
«Une vingtaine de personnes, dont son fils, ont été accueillies et
éloignées des frontières conformément aux règles internationales» a précisé
Lambert Mende. Condamnant la prise de pouvoir par la force de la rébellion,
l’Union africaine a suspendu lundi la participation de la Centrafrique à
l’organisation. L’UA a également imposé des sanctions à sept responsables de la
coalition rebelle Séléka, dont Michel Djotodia, après son offensive éclair et la
prise de la capitale Bangui dimanche.
«Le Conseil (de Paix et Sécurité)
décide de suspendre immédiatement la participation de la RCA (République
centrafricaine) à toutes les activités de l’Union africaine ainsi que d’imposer
des sanctions, à savoir des restrictions de voyage et le gel des avoirs des
dirigeants du Séléka», a annoncé le Commissaire à la Paix et la Sécurité de
l’UA, Ramtane Lamamra.
De son côté, la France a condamné «le recours à la
force ayant abouti à la prise de pouvoir» en Centrafrique et a demandé l’arrêt
des pillages et le rétablissement rapide de l’ordre à Bangui. «La France appelle
les forces rebelles à s’abstenir de toute violence envers les populations
civiles et les communautés étrangères. Les pillages doivent cesser et l’ordre
doit être rétabli rapidement», a déclaré Philippe Lalliot, porte-parole du Quai
d'Orsay. Pour Paris, les accords de Libreville du 11 janvier «doivent fournir le
cadre d’une transition politique».
Ex-fonctionnaire et
diplomate
Dans une capitale sans électricité et sans radio nationale,
Michel Djotodia se comportait comme le nouveau chef de l’Etat, dans l’attente
d’une déclaration officielle à la Nation. Il a notamment déclaré à la radio RFI
qu’il comptait organiser des élections libres d’ici trois ans, en soulignant :
«Je n’ai pas dit que dans trois ans, je remettrai le pouvoir. J’ai dit que d’ici
trois ans, nous allons organiser des élections libres et transparentes avec le
concours de tout le monde».
Depuis Paris, un des porte-parole de la
rébellion, Eric Massi, a souligné : «On est en attente d’une déclaration
solennelle qui officialise l’accès à la présidence de Michel Djotodia». Agé
d’une soixantaine d’années, Djotodia est un ancien fonctionnaire et diplomate -
il a notamment été consul de Centrafrique au Soudan du Sud - qui avait basculé
dans la rébellion, en devenant l’un des principaux animateurs depuis
2005.
De leur côté la France et les Etats-Unis ont appelé les rebelles à
respecter les accords de paix qui avaient été conclus à Libreville le 11 janvier
entre le camp Bozizé, l’opposition et le Séléka, et à soutenir le gouvernement
d’union nationale qui en est issu. Ces messages ont été entendus par Michel
Djotodia : «Nous resterons toujours dans l’esprit de Libreville», a-t-il promis,
confiant qu’il gardera à son poste l’actuel Premier ministre du gouvernement
d’union nationale Nicolas Tiangaye, figure de l’opposition à
Bozizé.
Washington a également appelé «de manière urgente» le Séléka à
«rétablir la loi et l’ordre» dans la capitale Bangui, livrée au pillage et où la
situation est anarchique. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a lui
condamné la prise de pouvoir par les rebelles et s’est déclaré inquiet des
violations de droits de l’homme, selon son porte-parole Martin
Nesirky.
Treize soldats sud-africains tués
Au moins treize
militaires de la force sud-africaine qui avait été déployée en Centrafrique en
vertu d’un accord entre Pretoria et le président Bozizé ont été tués et 27
blessés dans des combats lors de la prise de Bangui par les rebelles, a indiqué
lundi le président Jacob Zuma, en annonçant le maintien pour l’instant du reste
des troupes sur place.
Arrivé au pouvoir par les armes en 2003, Bozizé,
66 ans, - un ancien proche de l’empereur Jean-Bedel Bokassa - avait été élu
président en 2005 et réélu en 2011 au terme d’un scrutin très critiqué par
l’opposition. La rébellion avait lancé une première offensive le 10 décembre
dans le nord du pays et enchaîné victoire sur victoire face aux forces
gouvernementales désorganisées, avant de stopper sa progression sous la pression
internationale à 75 kilomètres au nord de Bangui.
Des accords à
Libreville avaient débouché sur la formation d’un gouvernement d’union
nationale. Arguant du non-respect de ces accords, les rebelles ont déclenché à
nouveau les hostilités vendredi et déclaré vouloir mettre en place un
gouvernement de transition.
Par AFP
(Mis à jour: 26 mars 2013 à
00:53) © Copyright
Liberation
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