(Le Pays 13/03/2013) Depuis les accords de Libreville, signés entre les rebelles
de la Séléka et le régime Bozizé, sous l’égide du médiateur Sassou Nguesso, le
peuple centrafricain s’était enfin mis à rêver d’un retour à une paix durable.
Son optimisme pacifique était nourri par la solution politique qui avait abouti
à un partage du pouvoir entre les parties en conflit. Et tout le monde s’était
vite empressé de louer, à Bangui, et en Afrique, les qualités et les vertus de
conviction, de loyauté du chef de ce gouvernement de compromis, Me Nicolas
Tchangaye, un homme sérieux, de bonne volonté, surtout
déterminé.
Malheureusement, en Centrafrique, l’on n’arrive pas à
discipliner et à éduquer l’agressivité humaine. L’aile radicale de la Séléka,
qui n’a jamais digéré qu’on lui ait barré, à l’époque, la route de Bangui, vient
de faire parler de nouveau, le canon. Des localités sont vite tombées sous leur
coupe, comme dans un jeu d’enfants. En vérité, à Bangui, on assiste à un jeu de
cache-cache entre le régime Bozizé et l’équipe gouvernementale actuelle.
Pourquoi ? Et quand est-ce que les Centrafricains décideront enfin, entre eux,
de pratiquer un peu la confiance et la sincérité ?
A l’heure actuelle, on
ne peut pas dire que les accords de paix conclus à Libreville entre Bozizé et la
Sékéka, ou « pax gabonia », sont une réalité sociale pour le peuple
centrafricain. Et, tout montre qu’il est fort probable que ce pays entame une
nouvelle rechute dans le désordre et l’anarchie. Si la situation militaire
continue à se détériorer, le pays repartira à la case départ, c’est-à-dire à la
reprise de nouveaux affrontements armés. Au fond, cette instabilité chronique
qui menace constamment ce pays est liée, du fait des rébellions répétitives, à
l’enracinement d’une culture politique où le recours à la force est considéré
comme la seule option possible. La force, et non la paix, devient ici un besoin
ontologique. Certes, la force et la légitimité restent les deux seules sources
de pouvoir. Mais comme a su bien le rappeler Robert Cooper, « la force sans la
légitimité engendre le chaos ; la légitimité sans la force sera inévitablement
renversée ».
En Centrafrique, ce pays plongé dans une pénombre belliciste
récurrente, le recours à la force signifie un échec total de la politique. Car,
ici, l’intérêt national ne détermine pas du tout le jeu politique. D’où ces
rébellions sans limites et sans merci, semant le drame et la ruine de la société
centrafricaine. L’histoire nous enseigne également que quand l’Etat est trop
faible, d’autres acteurs non-étatiques prennent de l’importance. Mais tous les
contentieux et problèmes qui furent la cause de la rébellion ont-ils été
véritablement abordés à Libreville ? Ce qui est très inquiétant, mais paradoxal,
c’est que la Centrafrique n’a jamais connu une guerre civile au sens strict, et
que les différentes rébellions n’ont jamais réussi à recueillir un large soutien
du peuple. Avec cette nouvelle menace d’un retour à la case départ, on a la
curieuse impression que ce pays n’est nullement préoccupé par son développement
économique, encore moins par le maintien de son unité nationale. Pourtant, ce
petit Etat aux immenses richesses a besoin de tous ses enfants pour se
reconstruire. La meilleure guerre reste celle qu’on ne doit jamais commencer.
Car, cette nouvelle instabilité risque encore de propager le mal plutôt que de
l’éradiquer. Et pour l’éviter, les Centrafricains doivent chercher à s’échapper,
individuellement et collectivement, de cet épais brouillard de méfiance et de
duperie réciproques.
N’existe-t-il pas en Sango, langue nationale de ce
pays, un mot pour désigner la sincérité ? Et s’il n’existe pas, il leur
appartient de l’inventer et, très vite, de le mettre en pratique. Sinon, on
continuera à dire dès qu’il s’agit de la Centrafrique : quel pays déroutant
!
Abdoulaye BARRO
© Copyright Le Pays
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