(Le Pays 28/03/2013) L’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara, au
Togo, est-elle en train de faire « pschitt », comme dirait Jacques Chirac ? La
question est devenue inéluctable avec le revirement spectaculaire, le 21 mars
dernier, du principal accusateur et unique témoin à charge des deux opposants
politiques et de responsables du Collectif Sauvons le Togo (CST), Jean-Pierre
Fabre et Gabriel Agbeyomé Kodjo.
En effet, l’intéressé, du nom de
Mohamed Loum alias Toussaint Tomety, a mis hors de cause, au cours d’une
confrontation devant le doyen des juges d’instruction et le procureur de la
république du Togo, le président de l’Alliance nationale pour le changement
(ANC) et l’ancien Premier ministre togolais. Le plus sérieusement du monde,
celui qui reconnaît avoir mis le feu à l’un des marchés a déclaré avoir été
manipulé pour faire porter la responsabilité des incendies au CST qui donne du
fil à retordre au pouvoir du jeune Faure Gnassingbé. Comme pour qu’un doigt
accusateur ne soit pas rapidement pointé vers le régime en place, il a
rapidement désigné trois officiers de gendarmerie et un journaliste comme ses
manipulateurs.
Grondé par sa conscience, il dit qu’il a même adressé
deux lettres d’excuses à Jean-Pierre Fabre qui a été inculpé et laissé en
liberté dans cette affaire. Agbeyomé Kodjo qui a été spectaculairement arrêté et
détenu avant d’être libéré, ainsi que les responsables du CST mis en cause dans
cette affaire n’ont pas encore bénéficié, officiellement et à notre
connaissance, de cet égard de la part du « manipulé ». Pourtant, ils ont eux
aussi souffert et continuent de souffrir de cette affaire. Ce revirement vient
confirmer le doute que certains avaient par rapport à ce dossier.
L’acharnement contre tous ceux qui avaient le malheur de ne pas voir les
choses de la même manière que le régime en place confinait à un règlement de
comptes par justice interposée. L’indépendance de la justice mise en avant ainsi
que les nécessités d’enquête n’étaient en fait qu’un écran de fumée destiné à
masquer la volonté de certains puissants du moment d’avoir le scalp d’opposants
qu’ils ne veulent pas, voir même en peinture. Le pouvoir semble prêt à fabriquer
des preuves afin que ses opposants ne puissent jamais s’en sortir. Mais, comme
on le dit couramment, le mensonge a beau courir pendant des années, la vérité le
rattrape en un jour.
Et, à n’en pas douter, c’est ce qui est en train de
se passer avec cette rétractation du principal accusateur. Un revirement dont
comptent bien profiter Jean-Pierre Fabre et Agbeyomé Kodjo qui, à l’unisson,
demandent la libération de toutes les personnes « arbitrairement détenues » dans
le cadre de cette affaire. Pour dissiper l’épais brouillard des incendies des
marchés d’une manière sereine et impartiale, le patron de l’ANC exige une
enquête internationale. Seulement, les deux opposants seront-ils entendus par la
Justice et les autorités togolaises ?
L’acharnement judiciaire dont ils
sont l’objet prendra-t-il fin avec leur disculpation par le principal accusateur
? On n’en est pas trop sûr, vu que la Justice togolaise continue de faire état
d’autres indices qui accablent les inculpés de luxe même après le revirement de
Toussaint Tomety. Toutefois, on se gardera de trop spéculer car, ne sachant pas
de quoi demain pourrait être fait dans cette affaire que le même Jacques Chirac
pourrait bien qualifier d’abracadabrantesque. C’est donc le « wait and see
».
Séni DABO
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