(Afrik.com 26/03/2013) A
la suite du coup d’Etat du Séléka, le président centrafricain François Bozizé
s’est réfugié au Cameroun. La rébellion lui reproche de ne pas avoir respecté
les accords de Libreville (Gabon). Lydie Boka, Directrice de l’agence d’analyse
de risques StrategiCo, explique à Afrik.com pourquoi les alliés historiques de
Bozizé ont laissé les rebelles renverser l’ancien putschiste. Interview.
Afrik.com : Un coup d’Etat en trois mois, c’est rapide. Comment on
explique un tel renversement ?
Lydie Boka : Bozizé est lui-même arrivé au
pouvoir par la force, en 2003. Il a été aidé par plusieurs groupes rebelles. Il
leur avait fait des promesses qu’il n’a pas tenues. Son renversement n’est pas
surprenant, puisque en dix ans d’exercice, il a verrouillé l’appareil de l’Etat,
en nommant ses proches dans l’administration. Son fils, par exemple, était
ministre délégué à la Défense et, sa femme a remporté les élections
législatives. Son neveu, à un moment surnommé "Demi-Dieu" a été ministre des
Mines puis ministre des Finances avant d’être limogé en juin 2012 parce que ça
commençait à sentir le roussi pour Bozizé. Le régime Bozizé ne tenait plus. Sa
garde présidentielle était essentiellement composée des militaires tchadiens
jusqu’en octobre, lorsqu’ils sont soudainement rentrés au Tchad, signes qu’il y
avait de l’eau dans le gaz. Ce qui a augmenté le risque de coup
d’Etat.
Afrik.com : Pourquoi le Séléka a repris les armes après les
accords de Libreville ?
Lydie Boka : L’habitude de Bozizé était de tromper
tout le monde. Les accords de Libreville prévoyaient de former un gouvernement
d’union nationale. Mais, il a adjoint des ministres délégués à chaque ministre
du Séléka, pour ainsi continuer à avoir la mainmise du pouvoir. Bozizé a, par
ailleurs, continué les exactions contre les Rounga et les Goula, l’ethnie dont
fait partie une partie de la rébellion.
Afrik.com : C’est pour cela que
les alliés historiques de Bozizé ont laissé les rebelles du Séléka franchir la
ligne rouge fixée à Damara ?
Lydie Boka : Les Etats de l’Afrique centrale,
exemple le Tchad, son allié de toujours, avaient donné une seconde chance à
Bozizé en constituant justement une ligne rouge à Damara, à 75 kilomètres de
Bangui, pour empêcher les rebelles de prendre la capitale centrafricaine. Cette
fois-ci, les pays voisins de la Centrafrique ont laissé le Séléka renverser
Bozizé. Le président tchadien, Idriss Déby, est fatigué de faire la conciliation
entre la rébellion et Bozizé. D’autant plus que le président centrafricain n’a
pas respecté les accords de Libreville. Aux yeux de ses alliés, il apparaissait
comme quelqu’un qui ne maîtrise pas la situation.
Afrik.com : Parce que
la situation était devenue intenable ?
Lydie Boka : Oui. En 10 ans, chaque
année il y avait des rébellions. La situation était ainsi devenue intenable.
Bozizé prenait des décisions brutales, n’était pas très diplomate avec les
organisations internationales...
Afrik.com : Il n’avait donc pas d’autres
choix que la fuite. Est-ce possible qu’il revienne un jour dans la vie politique
centrafricaine ?
Lydie Boka : Bozizé s’est réfugié au Cameroun. La
présidence camerounaise vient d’ailleurs de confirmer cette information. Il ne
va pas revenir tout de suite. Sa chute, c’est quelque chose qu’on voyait venir
depuis longtemps. Je ne pense pas qu’il puisse rassembler suffisamment d’hommes
pour tenter un contre-coup d’Etat. S’il revient, ce serait en tant que homme
politique mais pas comme putschiste. Pour ce faire, il faudra qu’il bénéficie de
l’appui de ses voisins. Ce qui n’est pas le cas.
Afrik.com : Le Séléka a
nommé Michel Djotodia comme président par intérim. Qui est-il ? Est-ce l’homme
de la situation ? Que pensez-vous de lui ?
Lydie Boka : C’est le chef des
rebelles. Ils lui obéissent tous. On sait que c’est un ancien fonctionnaire et
un ex-diplomate. Il a servi au Darfour. Il est originaire de Birao (Nord-Est),
une région assez dépeuplée de la Centrafrique. Pour le moment, c’est l’homme de
la situation. Il dit vouloir respecter les accords de Libreville qui prévoient
notamment l’organisation des élections dans trois ans.
par Sébastien
Badibanga
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