"Peu importe qu’ils soient riches ou pauvres en ressources, la Chine traite de manière égale avec tous les pays Africains et se livre activement à une coopération pragmatique qui bénéfice aux deux parties". Ces mots du président Xi Jinping, seront probablement répétés ce lundi lors du discours de Dar Es Salaam, première étape de cette tournée africaine qui le conduira ensuite Afrique du Sud puis au Congo-Brazzaville. La Tanzanie est ici un symbole des « relations profondes » entre la Chine et le continent. Une opération de charme alors que le dialogue économique est récemment devenu plus tendu entre Pékin et les capitales africaines La Tanzanie n’a pas été choisie au hasard. Cette première étape de la tournée africaine du nouveau président chinois investit au début du mois, est sensée incarnée le modèle « gagnant-gagnant » ressassé à longueur de discours par la diplomatie chinoise lorsqu’il s’agit d’évoquer les liens entre la Chine et le continent. Au-delà des 16 contrats portant notamment sur la réhabilitation d'infrastructures portuaires et hospitalières, ou la construction d'un centre culturel chinois, signés dimanche soir avec le président tanzanien Jakaya Kikwete, la Tanzanie est aussi le symbole de l’aide à l’intégration du continent prônée par Pékin. La ligne de chemin de fer construite par les chinois reliant le pays à la Zambie, est le meilleur exemple de ces grands chantiers d’infrastructures transrégions qui ont reçu l'appui de la Chine.
Intégration Africaine
« Il y a 20 ans on parlait des stades construits par les Chinois, aujourd’hui on parle du nouveau siège de l’Union africaine » confiait une source diplomatique lors du dernier Forum de coopération Chine-Afrique qui s’est réuni à Pékin l’été dernier. L’accès aux matières premières pour nourrir la croissance chinoise reste une obsession pour les dirigeants chinois, mais cette priorité ne saurait à elle seule définir la nature des relations Chine-Afrique nouées au moment des indépendances africaines dans les années 60. La Chine étant par ailleurs reconnaissante d’avoir pu compter sur l’appui des pays du continent pour obtenir sa place à l’ONU. Pékin compte d'ailleurs aujourd’hui encore sur l’Afrique pour appuyer ses prises dispositions diplomatiques, notamment au sein du groupe des grands émergents dont les Chinois disputent le leadership aux Indiens. Les « BRIC » sont en effet devenus les « BRICS » avec un S à la fin (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), depuis que l’Afrique du Sud a intégré le groupe lors du sommet de Sanya en Chine en avril 2011. Xi Jinping rejoindra ainsi Vladimir Poutine qu’il vient de quitter pour le 5ème sommet des grandes puissances émergentes à Durban mercredi. Une occasion pour l’Afrique de dialoguer avec les chefs d’Etats des pays locomotives de la croissance mondiale. L’Afrique aimerait en effet profiter du vent chinois pour entrainer sa propre croissance, mais pour cela, encore faut-il que la nature de l’échange soit plus égal.
Echange inégal
Est-ce « la fin de la lune de miel » comme l’écrit le journal Le Monde ou le départ de nouvelles relations construites sur un contrat plus équilibré ? En juillet dernier, le président sud-africain Jacob Zuma avait ainsi remercié Pékin de traiter les pays africains en « égaux », tout en mettant en garde contre le risque de retomber dans les anciens schémas avec une Afrique vue comme un simple marché de consommateurs et pourvoyeuses de matières premières. « L'Afrique veut être traité d’égal à égal, et c'est ce que beaucoup de pays occidentaux ne comprennent pas, ou du moins ne sont pas disposés à faire » affirme de son côté Zhong Jianhua dans une interview accordée à l’agence Reuters. L'envoyé spécial de la Chine en Afrique reconnait dans le même temps que les entreprises chinoises font aujourd'hui l’objet de critiques et notamment concernant l’emploi. Ces entreprises embauchent en effet de nombreux travailleurs chinois sur les projets d’infrastructures et miniers. Les Chinois travaillant en Afrique étant aujourd'hui esttimè a près de un million selon Pékin : "Nous avons fait savoir aux entreprises chinoises qu’elles ne pouvaient pas employer uniquement des travailleurs chinois et je pense que la plupart ont saisi le message", poursuit Monsieur Zhong. D’autres sont encore plus alarmistes tel le président de la banque centrale du Nigeria : "Il est temps pour nous d'ôter les lunettes teintées de rose à travers lesquelles nous voyons la Chine", explique ainsi Lamido Sanusi dans le Financial Times. Et de poursuivre : "La Chine nous prend des matières premières et nous fournit des biens manufacturés. C'était aussi l'essence du colonialisme".
Première dame
Ce premier voyage en tant que président de Xi Jinping sur le continent, doit ainsi permettre de renforcer le partenariat politique et diplomatique avec les pays africains. Le discours prononcé ce lundi matin dans le centre de convention Julius Nyerere construit par les Chinois à Dar Es Salam (image ci-dessus) va dans ce sens. Premier partenaire commercial de l’Afrique depuis 2009, la Chine dont l’économie devrait dépasser celle des Etats-Unis à l’horizon 2016, souhaite désormais élargir son influence quitte à mettre un mouchoir sur la fameuse doctrine de la « non ingérence ». De nombreux militants des droits civiques ont ainsi encore en mémoire la colère de Desmond Tutu fin 2011, lorsque sous la pression de Pékin, Jacob Zuma avait retardé le traitement de la demande de visa pour le dalaï-lama. Le chef spirituel des Tibétains en exils ayant finit par annuler sa visite en Afrique du Sud. Les dirigeants chinois savent bien aujourd’hui que sans « soft power » comme disent les anglais, sans une « puissance douce » capable de sortir les relations Chine-Afrique du simple échange marchand, l’offensive diplomatique chinoise en Afrique pourrait rappeler celle des occidentaux autrefois. Les centres Confucius et les constructions de stades ne sont pas suffisants. Pour cette tournée Africaine, Xi Jinping a emmené avec lui son épouse Peng Liyuan. Rebaptisée affectieusement « Sœur Peng » par les internautes chinois, la Première dame a fait la Une des magasines en Chine et en Russie pour son sa silhouette gracile et son sourire. Son manteau (d’une valeur de près de 3000 yuan, environ 370 euros) et son sac (montant non communiqué) signé du créateur de la marque de Canton "Liwai" est déjà en rupture de stock ! Peng Liyuan sera ainsi probablement aussi remarquée par les journalistes du continent. La générale et chanteuse de l’Armée Populaire de Libération devrait en effet à l’occasion de cette visite s’exprimer sur l’aide au développement indiquait récemment le Financial Times.
Interview SHI Zhan, professeur au département Afrique de l’Université des Affaires Etrangères à Pékin : « Les BRICS enregistrent la plus forte croissance dans le monde, intégrer ce groupe est donc positif pour l'Afrique du Sud et l’Afrique en général »
- Pourquoi la Tanzanie constitue la première étape de cette tournée africaine ?
SZ / C’est d’abord un pays qui a un gros potentiel de développement. La Tanzanie a d’avantage de territoires à exploiter sur le plan agricole que le voisin Kenyan. La Chine y a installé des fermes coopératives. Ce voyage devrait donc permettre de renforcer notre coopération dans le domaine de l’agriculture et promouvoir les technologies chinoises, sachant que la Chine importe déjà aujourd’hui du maïs et du manioc de Tanzanie. Les ports tanzaniens ont également une importance stratégique pour Pékin. Enfin, plusieurs contrats ont été signés en matière commercial et culturel (NDLR. Selon l'ambassadeur tanzanien à Pékin, un mémorendum autour du réaménagement du port de Bagamoyo doit encore être signé à l'occasion de cette visite. C'est un contrat portant sur 10 milliards de dollars passé entre les autorités tanzaniennes et la China Merchants Holdings International Company Limited basée à Hong-Kong.)
- En Afrique du Sud, Xi Jinping doit rencontrer son homologue sud-africain. Il doit aussi assister au 5ème sommet du groupe des BRICS, qu’est-ce qui compte le plus ?
SZ / Les deux vont de paire en réalité. C’est la Chine qui a fait entrer l'Afrique du Sud dans les BRICS. Les BRICS sont aujourd’hui le groupe de pays qui comptent la plus forte croissance dans le monde. Intégré ce groupe est donc positif pour l'Afrique du Sud et l’Afrique en général. La Chine croit que l’Afrique comme n’importe quel continent, doit disposer d’un pôle régional qui accélère son développement. Cela veut dire un pays qui joue un rôle de locomotive pour les pays voisins, et nous pensons sans aucun doute qu’il s’agit de l'Afrique du Sud. Prétoria est aujourd’hui considéré par Pékin comme un "partenaire stratégique complet". Cela veut dire une coopération économique qui s’étend à tous les secteurs. Cela veut dire aussi que la Chine compte sur l’Afrique du Sud pour jouer un rôle pivot en matière de stabilité et de sécurité sur le continent. Il ne faut donc pas en rester aux simples échanges commerciaux et miniers. La Chine et l’Afrique du Sud doivent insuffler d’avantage de contenus et de profondeur dans leurs relations.
- Concernant le sommet des BRICS, quelle peut-être l’interaction entre les grands pays émergents et l’Afrique ?
SZ/ Au cours du sommet, les chefs d’état du groupe des grands pays émergents devraient aborder la question de la démocratisation de l'économie globale et du comment équilibrer les échanges internationaux. A Durban, il sera ainsi question de l'établissement de la banque de développement des pays des BRICS par exemple. La réunion se déroule en Afrique et ce n’est pas anodin. Il y aura forcément en parallèle, des discussions qui vont se mettre en place entre les pays des BRICS et les pays africains.
- Enfin dernière étape, le Congo-Brazzaville…
SZ / Le centre de l’Afrique est une miniature de ce qui se passe à l’échelle du continent. Les combats dans l’est de la RDC et dans les pays voisins risquent de déstabiliser toute l’Afrique. Concernant le Congo-Brazzaville, la Chine a beaucoup œuvré dans le domaine des grands chantiers d’infrastructures : construction de barrages, de routes etc. Mais elle considère aussi que la République du Congo joue un rôle important pour le maintien de la sécurité dans la région. C’est là encore une illustration de ce qui sera répété lors du sommet des BRICS à Durban : la stabilité de l’Afrique passe par la croissance des économies africaines et leur capacité à maintenir l’ordre social.
Stéphane Lagarde
chine.blogs.rfi.fr
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