(LibreAfrique.org 28/03/2013)
L’école congolaise est gravement malade. C’est la conclusion
unanime qui se dégage des critiques qui fusent de tous bords. Avec les avancées
réalisées sur le plan qualitatif et quantitatif dans les années 70, on ne
pouvait s’imaginer cinquante ans plus tard des élèves s’asseoir à même le sol,
des écoles sans toilettes, ou encore des diplômés du secondaire ne pas parler
correctement le français. Comment expliquer cet échec de l’école en RDC
?
Loin des « années bonheur » de l’école en RDC, actuellement le constat
n’est pas très reluisant. L’enseignement primaire accuse une expansion
insuffisante. Car même s’il a connu un accroissement de 7%, de 2006-2007 à
2007-2008, passant de 84% à 91%, le taux scolarisation n’a pas encore atteint
100% (Annuaire statistique scolaire 2008). En plus du faible niveau de
fréquentation, la dégradation de la qualité de l’éducation primaire et
secondaire est patente ; ceci se manifeste crûment dans le fait que la plupart
des enfants d’école primaire n’acquièrent pas les compétences linguistiques
indispensables pour la poursuite des études. Pour preuve, à des tests
standardisés en français, le score moyen des élèves congolais de 4ième année est
inférieur à celui d’élèves français de 2ième année. Respectivement 44,1% et
72,7% (Banque Mondiale 2003). Ce qui reflète les difficultés à maitriser la
langue d’enseignement dans un contexte éducatif quasiment dépourvu d’écrits et
de matériels pédagogiques. Les performances des élèves congolais sont par
ailleurs affectées par leur handicap en lecture et dans d’autres disciplines
comme les mathématiques.
En parallèle, la corruption s’est inscrite à
l’école. L’assiduité et l’intelligence ne sont plus les seuls moyens de «
réussite », un peu d’argent suffit pour passer dans la classe supérieure.
D’ailleurs, il y sévit le phénomène dit « suivi » au niveau du secondaire : les
gestionnaires d’écoles exigent des finalistes de l’argent pour motiver les
inspecteurs chargés des examens d’État pour une éventuelle réussite de leurs
écoles. Ces dernières délivrent des bulletins en contrepartie des cadeaux des
parents d’élèves. La corruption est un indicateur probant de la pauvreté dans
certaines écoles privées (et dans la plupart des écoles publique). Cette
pauvreté se décline sous plusieurs facettes : les classes sont de plus en plus
surpeuplées (taux de surpeuplement de classes de 39% en primaire et 24% en
secondaire selon l’étude ENECO 2001), mal équipées avec des enfants assis par
terre ; des enseignants sous-rémunérés et pris en charge financièrement par les
parents, etc.
La situation actuelle de l’éducation s’explique par la
crise économique qui s’est déclarée en RDC depuis le début des années 80. En
fait, la part de la dépense publique pour l’éducation a commencé à baisser
fortement passant ainsi de 17% en 1983 à 7% en 1985 (Banque Mondiale 2003).
Cette chute brutale des dépenses d’éducation se produisit principalement en
raison de la baisse des prix des matières premières et du PAS, qui a contraint
l’Etat à réduire ses dépenses publiques. Cette crise s’est aggravée depuis le
début des années 90 avec l’arrivée des conflits armés. Cependant la gestion des
dépenses publiques est aussi loin d’être la meilleure.
Dans ce contexte
de désengagement de l’Etat, le privé a pris le relais. La contribution du
secteur privé au financement de l’éducation en RDC comprend des dépenses
courantes comme les livres et fournitures scolaires, les transports,
l’équipement et la maintenance des salles de classe, le salaire des enseignants
et des dépenses en capital comme la construction des écoles.
Toutefois si
ce sont les ménages qui supportent l’essentiel des dépenses privées d’éducation,
ils contribuent aussi à la plus grosse partie des dépenses des écoles publiques.
L’éducation en RDC est ainsi tributaire de la capacité des parents à l’assurer à
leurs enfants. Cependant, étant donnés les niveaux actuels des revenus, la
plupart des ménages ne sont pas en mesure d’envoyer leurs enfants à l’école.
Ainsi, la pauvreté des parents constitue un facteur de faible demande scolaire
(Mumpasi et Ngondo 2003).
Il s’observe une extension du privé en RDC. On
estime que 70% de l’enseignement primaire est géré par le privé (PMPTR 2006).
Par rapport au régime de gestion, le privé détient le plus grand nombre des
écoles, soit 72%, ce pourcentage a même augmenté par rapport à 2008, où il était
à 68% (ASS 2009). Ces écoles privées comprennent le meilleur comme le pire
(Kitaev 1999).
Certes, l’efficacité du secteur privé est plus forte que
celle du public, tant en termes de taux de redoublement, de maintien dans le
cycle, que de rendement de l’éducation (Hennaff 2003). Néanmoins, le
développement du privé s’est réalisé dans des conditions désastreuses (Vétusté
et délabrement des infrastructures, absence d'équipement et manuels,
surpopulation des salles de classe…). Ce qui conduit à une baisse de la qualité
de l’enseignement. Au vu des insuffisances du marché de l’éducation, la
corruption occasionne un laxisme dans l’acquisition des autorisations en vue de
créer une école. Cette explosion du nombre d’écoles privées dans un cadre flou
rend encore difficile d’évaluer la qualité des compétences (le processus de
concurrence n’a pas encore sélectionné les « bonnes pratiques ») et donc la
formation des étudiants sortant d’une école.
Fait marquant : il n’existe
pas véritablement de développement industriel. Or, l’inexistence d’un « marché
des compétences » permet aux pires écoles privées de faire de la mauvaise
qualité – qui ne sera pas sanctionnée indirectement sur le marché du
travail.
Bref, la situation de l’école congolaise est alarmante. L’enjeu
est de parvenir à lui insuffler une dynamique de développement en réformant le
secteur de l’éducation. L’État Congolais doit améliorer la qualité de la
gouvernance ; endiguer la corruption, ce qui permettrait non-seulement de lutter
contre la pauvreté par le biais d’une industrialisation mais susciterait
également une saine concurrence de la part des acteurs privés de l’éducation en
RDC.
Auteur : Darly kambamba
Darly kambamba est analyste
sur LibreAfrique.org
Références :
(1) « Financement et qualité de
l’enseignement primaire et secondaire en RDC », Banque Mondiale, 2003
(2)
« Enquête menée par le Centre d’études et de Recherches sur les relations entre
education et la population » (CERSEP) du Département de Démographie de
l’univesité de kinshasa, 2001.
(3) Mumpasi L. & Ngondo S., « La
demande d’éducation en République Démocratique du Congo », Paper commissionned
for the EFA Global Monitoring report 2003/4, The leap to Equality.
(4) «
Programme Minimum Pour la Transition et la Relance », Banque Mondiale,
2006
(5) Kitaev I., « Private Education in sub-Saharan Africa : A
re-examination of theories and concepts related to its development and finance,
mechanisms and strategies of educational finance », Paris, IIEP/UNESCO,
1999.
(6) Henaff N., « Quel financement pour l’école en Afrique? »,
Cahiers d’études Africaines, N°169-170 (2003).
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