(Xinhuanet 13/02/2013)
N'DJAMENA -- Les élus du Mouvement patriotique du salut
(MPS), qui dominent l'Assemblée nationale, ont modifié mardi certaines
dispositions de la Constitution relatives notamment au statut du président de la
République et à l'inamovibilité du juge, au grand dam des députés de
l'opposition et des avocats.
Selon Moussa Kadam, président du groupe
parlementaire MPS, les dispositions de la Constitution portant sur les
incompatibilités des fonctions de Président de la République et son droit de
citoyen d'animer un parti politique, "semblent très restrictives et méritent
d'être révisées".
M. Kadam et ses collègues du MPS ont soutenu que le
président de la République, élu au suffrage universel direct sous la bannière
d'un parti politique ou d'un regroupement de partis, a le droit comme tout autre
citoyen de militer au sein de ce parti, mais sans y assurer des fonctions
dirigeantes.
Cela a provoqué un tollé dans les rangs de l'opposition. Son
chef de file, Saleh Kebzabo, a dénoncé une marche en arrière vers le parti-Etat
où le président de la République est tout: chef de l'Etat et président du
parti.
L'autre sujet qui a divisé la majorité et l'opposition
parlementaire est l'inamovibilité des magistrats.
"Les magistrats du
siège ne sont soumis dans l'exercice de leurs fonctions qu'à l'autorité de la
loi. Ils sont inamovibles", dispose l'article 151 de la
Constitution.
Mais pour la majorité parlementaire, "le principe de
l'inamovibilité pose des problèmes quant à la nécessité de la mobilité par
l'affectation des magistrats". Selon elle, seule l'indépendance des magistrats,
qui serait déjà garantie par la loi, doit être maintenue dans la
Constitution.
Pour l'opposition, on ne peut pas concevoir une justice
indépendante sans des juges inamovibles.
"L'indépendance et
l'inamovibilité constituent le fondement du pouvoir judiciaire. Ce sont deux
notions indissociables, l'une ne exister sans l''autre", a déclaré le député
Néatobei Bidi Valentin, un ancien magistrat reconverti notaire.
Au Tchad,
il existe deux catégories de magistrats, correspondant à deux modalités
d'exercice de la mission d'application du droit qui leur est confiée: les
magistrats du siège (les juges) sont chargés de dire le droit en rendant des
décisions de justice; les magistrats du parquet (les procureurs) ont pour
fonction de requérir l'application de la loi.
Les magistrats du parquet
sont soumis à un principe hiérarchique qui découle de la nature même de leurs
fonctions, puisqu'ils sont notamment chargés d'appliquer la politique pénale du
gouvernement.
Les magistrats du siège possèdent un statut leur
garantissant une indépendance renforcée, par rapport aux membres du
parquet.
La Constitution prévoit ainsi leur inamovibilité, afin
d'empêcher l'exécutif d'outrepasser l'autorité de nomination et de s'immiscer,
par voie de révocation, de suspension ou de déplacement (avancement compris)
dans le déroulement de la carrière professionnelle des juges.
"En sautant
le principe d'inamovibilité du juge de siège, on le livre au bon vouloir du
pouvoir exécutif", a averti le député Béral Mbaïkoubou, un jeune non-voyant qui
a réussi l'exploit de décrocher, en 2011, un des deux sièges du VIème
arrondissement de la capitale.
Le barreau des avocats du Tchad s'est
invité dans le débat sur l'inamovibilité ou non des magistrats. Arborant leurs
toges, les avocats ont fait, dès les premières heures de mardi, une haie
d'honneur à l'entrée du Palais du 15 janvier, siège provisoire du Parlement
tchadien.
Ils brandissaient des affiches et pancartes sur lesquels l'on
pouvait lire: "la séparation des pouvoirs est un principe sacré",
"l'indépendance du pouvoir judiciaire est un gage d'une démocratie ",
etc.
Selon la Constitution tchadienne, adoptée par référendum en mars
1996 puis révisée en juillet 2005, l'initiative de la révision appartient
concurremment au Président de la République, après décision prise en Conseil des
ministres et aux membres de l'Assemblée nationale.
Pour être pris en
considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la
majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale.
Mardi, ce
sont 155 députés (les 2/3 prévus équivalent à 126) qui ont voté en faveur de la
révision de la Constitution. Le nouveau texte devra être soumis au Conseil
constitutionnel avant d'être promulgué par le président Déby Itno.
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