(Le Temps.ch 20/02/2013)
L’athlète handisport est accusé du meurtre de sa compagne,
Reeva Steenkamp. Récit d’une journée chargée d’émotion au Tribunal de première
instance de Pretoria.
Ce fut d’abord la cohue parmi la centaine de
journalistes, à l’extérieur de la salle d’audience du Tribunal de première
instance de Pretoria. Seulement la moitié ont pu entrer: ils ont tapissé,
debout, les murs de la salle ou se sont assis dans chaque coin disponible. De
là, ils ont observé le «spectacle» de la justice, la tristesse empreinte de
gravité des membres de la famille d’Oscar Pistorius.
Intention de tuer
L’athlète, le chouchou des médias lors des Jeux olympiques de Londres
(avec Usain Bolt), a perdu son sourire magnifique. C’est tout seul, dans le box
des accusés, qu’il a dû affronter cette journée de débats, au cours de laquelle
il a été inculpé de meurtre avec préméditation. Le juge a suivi l’avis du
procureur Gerrie Nel, selon lequel Oscar Pistorius, réveillé en pleine nuit, le
14 février vers 3 h du matin, a pris le temps de «mettre ses prothèses, saisir
son arme, marcher 7 mètres jusqu’à la salle de bains, avant de tirer quatre fois
à travers la porte, fermée à clé». Reeva Steenkamp, la petite amie de l’athlète,
a été touchée par trois balles. Même si Oscar Pistorius pensait tirer sur un
malfaiteur, il avait l’intention de tuer, selon le procureur. Une thèse retenue,
pour le moment…
Ensuite, l’avocat d’Oscar Pistorius, Barry Roux, a pris
la parole pour demander sa remise en liberté sous caution, en raison de
«circonstances exceptionnelles». Il a lu la déclaration de l’athlète, qui s’est
effondré en pleurs. Il dit avoir passé la veille de la Saint-Valentin chez lui,
avec Reeva Steenkamp. Après un dîner en amoureux, il a regardé la télévision
pendant qu’elle faisait du yoga, puis ils se sont couchés. Pendant la nuit,
Oscar Pistorius s’est levé pour fermer une porte coulissante et il a entendu du
bruit dans la salle de bains. Il a cru à un cambriolage.
L’athlète avait
aussi reçu des menaces de mort. «J’avais peur et je n’ai pas allumé la lumière.
J’ai pris mon revolver et me suis dirigé vers la salle de bains. J’ai crié.
Comme je n’avais pas mis mes jambes [artificielles], je me sentais vulnérable.
J’ai tiré à travers la porte de la salle de bains et dit à Reeva d’appeler la
police. Je suis retourné vers le lit et j’ai réalisé que Reeva n’était pas
dedans. C’est alors que je me suis rendu compte que cela pouvait être elle qui
était là [dans la salle de bains].» Le champion paralympique a alors crié pour
appeler à l’aide, mis ses jambes artificielles et défoncé la porte de la salle
de bains avec sa batte de cricket. Il a descendu le corps de sa petite amie au
rez-de-chaussée: «Elle est morte dans mes bras», au moment même où un garde de
sécurité arrivait sur place. L’avocat a ensuite lu des déclarations de deux
proches d’Oscar Pistorius, affirmant que le couple vivait une vraie lune de
miel.
Funérailles de Reeva
Les débats se sont poursuivis pour
déterminer si le sprinter irait ou non en prison avant son procès. Son avocat a
assuré qu’Oscar Pistorius – qui, dit-il, disposait d’un revenu annuel de
quelque 450 000 euros avant le drame – ne chercherait pas à s’enfuir.
Assises juste à côté de sa sœur, de son frère (qui a plusieurs fois réconforté
l’athlète) et de son père, séparées seulement par un passage, deux membres de la
Ligue des femmes de l’ANC étaient venues rappeler que la violence contre les
femmes était un fléau en Afrique du Sud (2488 femmes tuées chaque année, souvent
par leur conjoint ou leur partenaire, selon l’Institut des relations raciales).
C’était justement la cause à laquelle Reeva Steenkamp voulait consacrer sa
célébrité naissante, comme l’a rappelé son oncle. Hier, la jeune femme de 29 ans
a été incinérée dans l’intimité à Port Elizabeth, loin des flashs des
photographes qui crépitaient autour d’Oscar Pistorius, à plus de 1000 km de là.
Seulement 62 personnes ont été autorisées dans la petite chapelle. Jeudi 14
février, le matin du meurtre, Reeva Steenkamp devait évoquer le problème de la
violence contre les femmes, lors d’une intervention dans une école à
Johannesburg…
Crime passionnel ou tragique méprise? La suite des débats,
cette semaine, devrait apporter de nouveaux éléments. Alors que le meurtre avec
préméditation est passible d’une peine de prison à vie, le juge peut, à tout
moment, décider d’inculper l’athlète pour «simple» meurtre.
Valérie Hirsch
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Temps.ch
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