Pour s'être mal garé, un chauffeur de taxi mozambicain est mort en Afrique du Sud où des policiers l'ont menotté puis traîné à terre attaché à leur camion, selon une vidéo amateur qui provoqué choc et stupéfaction jeudi et suscité une vive indignation du président Jacob Zuma.
"Les images de cet incident sont horribles, indignes et inacceptables", a déclaré M. Zuma. "Aucun être humain ne devrait être traité ainsi", a ajouté le chef d'Etat sud-africain, qui a demandé une enquête au ministre de la Police.
L'affaire a pris une tournure diplomatique. Une réaction du gouvernement mozambicain était attendue, et l'ambassade du Mozambique est en contact avec la police sud-africaine et Interpol.
Les faits remontent à mardi soir quand Mido Macia, 27 ans, a arrêté son minibus-taxi à la tombée de la nuit dans une rue achalandée de Daveyton, une township à 25 km de l'aéroport international de Johannesburg, selon la police des polices qui a ouvert une enquête pour meurtre.
Interpellé vers 18h50 (16h50 GMT), il s'est retrouvé encerclé par une demi-douzaine d'agents en tenue, certains avec gilet de protection et l'un d'eux au moins brandissant son arme, selon les images vidéo divulguées par le quotidien Daily Sun.
La suite est particulièrement choquante: on y voit le jeune homme menotté dans le dos puis attaché à un camion de police, d'abord tenu par les pieds par un policier puis traîné à terre par le véhicule en marche jusqu'au commissariat, sous l'oeil médusé de nombreux passants.
"Eh! Eh! Pourquoi vous le frappez?", interpelle en zoulou quelqu'un dans la foule dont on entend distinctement la voix.
Placé en détention préventive, Mido Macia est mort moins de deux heures et demie plus tard, selon le communiqué de la police des polices (IPID).
"Nous enquêtons sur un incident impliquant le décès d'un homme, apparemment entre les mains de la police. Nous sommes choqués par la vidéo diffusée", a précisé à l'AFP le porte-parole de l'IPID Moses Dlamini.
"Les circonstances entourant sa mort restent pour l'heure des allégations... attendons de savoir ce qui s'est réellement passé", a-t-il ajouté, en précisant que l'homme aurait tenté de désarmer un officier de police, une version démentie par des témoins interrogés sur place par l'AFP jeudi.
Le jeune homme tentait de récupérer son permis de conduire quand l'altercation a éclaté. "Il les a seulement poussés, sans essayer de prendre le pistolet", a déclaré George Nxumalo, un habitant de 57 ans, témoin de la scène.
Le chauffeur de taxi a été retrouvé mort dans sa cellule vers 21h15 (19h15 GMT) et l'incident a suscité l'indignation dans tout le pays, et une manifestation à Daveyton dès mercredi. Selon l'enquête, il est mort des suites d'une hémorragie interne et d'un traumatisme crânien.
"Ce sont des criminels en uniforme, on n'en veut plus", critiquait jeudi Bongani Hlela, un vendeur ambulant, dans un commentaire qui rappelait les réactions au drame de Marikana, en août 2012, lorsque la police avait tué 34 mineurs en grève, et au moins une manifestante dans les troubles qui ont suivi.
"On veut que la loi s'applique, ou bien nous l'appliquerons nous-mêmes. Ce n'est pas parce qu'il était Mozambicain qu'il devait être mal traité. On est tous des Africains, on a tous des droits", a-t-il ajouté.
La patronne de la police nationale sud-africaine Riah Phiyega, qui n'avait pas brillé par sa compassion pour les victimes au moment de la tragédie de Marikana, a réagi rapidement, indiquant que "l'affaire était prise très au sérieux et fortement condamnée".
La police sud-africaine est connue pour son manque de formation et ses méthodes parfois brutales: la police des polices a été saisie de 712 bavures sur la période de avril 2011 à mars 2012 selon l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International.
Cette affaire ajoute à la piètre image de la police nationale, ternie par la corruption, défaillante en matière de maintien de l'ordre, prompte à faire usage de ses armes, et approximative dans la conduite d'enquêtes criminelles comme l'a montré récemment l'affaire Pistorius.
"Cet incident épouvantable impliquant l'usage disproportionné de la force est le dernier en date d'un mode de conduite brutale de la police en Afrique du Sud de plus en plus dérangeant", a commenté Amnesty.
"Macia a payé de sa vie pour s'être garé du mauvais côté de la route", a déploré le principal parti d'opposition, Alliance Démocratique. "Combien de temps encore les Sud-Africains vont-ils devoir vivre dans la peur de ceux qui sont censés les protéger ?".
© Le Point.fr
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