(Ouest-France 06/10/2011)
Après vingt-neuf ans au pouvoir, le président Paul Biya brigue un 6e mandat. Le scrutin, à un tour, aura lieu dimanche. La campagne électorale est loin d'être équitable.
Yaoundé.Correspondance
On ne voit que lui. Le portrait du président Paul Biya, 78 ans dont vingt-neuf de pouvoir, s'affiche partout à Yaoundé, la capitale du pays. Les 4x3 bleues vantent « le choix du peuple ». Les affiches « timbre poste » des opposants sont quasi invisibles, pour ne pas dire inexistantes. Le quotidien Mutations titrait d'ailleurs la semaine dernière : « Comment Paul Biya a confisqué l'affichage ».
Ce n'est donc pas une campagne électorale équitable. Aucun débat contradictoire n'est prévu entre le Président, candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), et les 22 autres candidats.
Officiellement, près de 40 % des 20 millions de Camerounais sont inscrits sur les listes électorales. « En réalité, c'est beaucoup moins, car ils ont cumulé les chiffres des années précédentes », assure Anatole, un journaliste de 35 ans. Toutes les cartes d'électeurs n'avaient pas été encore distribuées en début de semaine. Résultat : une majorité de la population se désintéresse du scrutin. « Les jeux sont déjà faits, on ira voter le jour où on parlera vraiment d'alternance ! », explique un étudiant de 23 ans.
Un sac de riz offert au meeting
Le rappeur Valsero, lui, ira voter, mais pas pour Paul Biya. Depuis son petit studio, il interpelle : « Au nord Cameroun, pourquoi les gens vont-ils aux meetings du RDPC ? Simplement, parce que les militants savent qu'on va leur remettre un sac de riz, 5 000 F Cfa (8 €, alors que le salaire minimum est de 43 €) et un pagne du RDPC avec lequel ils pourront s'habiller pendant sept ans ! » L'extrême nord du Cameroun est la région la plus pauvre du pays mais aussi la plus peuplée. De son taux de participation dépendront les résultats. Paul Biya le sait. Il s'est donc rendu dans la région, cette semaine pour défendre ses prochaines « grandes réalisations ».
Pourtant, le bilan du Prince reste maigre selon ses détracteurs. L'espérance de vie a baissé de deux ans entre 1985 et 2009 pour s'établir à 52 ans. La corruption reste omniprésente. La principale réussite de Paul Biya est d'avoir maintenu la paix dans un pays qui compte 230 ethnies. « La paix, c'est le bâton avec lequel Paul Biya tient le peuple ! », ose Valsero. À quelques jours de la présidentielle, la fébrilité gagne le Cameroun. Les forces de l'ordre craignent la naissance d'un mouvement de contestation, en particulier à Douala, la capitale économique du pays, réputée frondeuse.
Matthieu COTINAT.
Mathieu Cotinat
jeudi 06 octobre 2011
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