(Le Figaro 25/10/2011)
Paris dément des frappes directes mais reconnaît une «aide logistique limitée».
Le Kenya compte sur ses alliés pour lui prêter main-forte en Somalie, où il mène une guerre hors de ses frontières pour la première fois depuis son indépendance en 1963. Mais les appels du pied provenant de Nairobi sont accueillis fraîchement tant à Washington qu'à Paris, où l'on évoque seulement un «soutien politique» et «une aide logistique limitée».
Le porte-parole de l'armée kényane, le major Emmanuel Chirchir, a affirmé que des «pays partenaires» avaient mené des raids aériens ces derniers jours en Somalie, en appui de l'opération lancée par Nairobi il y a plus d'une semaine pour chasser aux miliciens islamistes al-Chebab. Quatre Européens ont été kidnappés par des groupes armés somaliens depuis le mois de septembre au nord du Kenya, provoquant une incursion de plusieurs centaines de soldats kényans en territoire somalien. L'une de ces otages, la Française Marie Dedieu, 66 ans, a été déclarée morte la semaine dernière. Les kidnappeurs chercheraient à monnayer le rapatriement de sa dépouille, suscitant une vive colère à Paris.
Rotation d'un Transall français
Selon le major Chirchir, la France aurait procédé samedi soir à des tirs de sa marine de guerre, déployée dans le cadre de l'opération antipiraterie «Atalante», contre la localité de Kuday, au sud de Kismayo, l'un des principaux bastions des chebab. Une information «formellement démentie», tant à l'état-major français qu'au Quai d'Orsay. Le ministère de la Défense confirme seulement qu'une «aide logistique limitée» a été mise en place avec la rotation, amorcée lundi, d'un Transall français transportant «du matériel militaire kényan» vers l'aéroport de Wajir, au nord du pays, près de la frontière somalienne. La semaine dernière, le ministère des Affaires étrangères avait implicitement approuvé l'intervention armée du Kenya, souhaitant qu'elle «contribue à faire retrouver au plus vite à la Somalie la sécurité et la stabilité».
L'armée américaine et la CIA, de leurs côtés, ont refusé de confirmer des frappes de drones (avions téléguidés) contre des cibles en Somalie. L'ambassadeur des États-Unis à Nairobi, Scott Gration, un ancien pilote de chasse qui fut le conseiller de Barack Obama, s'est borné à évoquer «un solide programme de formation» de l'armée kényane et la livraison de «matériel, notamment de radars, pour renforcer le contrôle de la frontière» avec la Somalie. «Nous regardons, en tant qu'allié dans ce conflit contre le terrorisme, comment nous pouvons aider les Kényans», a-t-il déclaré au Financial Times. Une prudence qui n'a pas empêché un journal de Nairobi, The Sunday Nation, de titrer à la une: «L'aviation américaine participe à l'assaut».
«Troisième front»
Les autorités du Kenya voudraient que les partenaires occidentaux ouvrent «un troisième front» contre les milices islamistes qui, après vingt ans de chaos politique et humanitaire, menacent de transformer la Somalie en satellite d'al-Qaida. Les chebab ont été chassés de la capitale Mogadiscio par l'action conjointe des forces régulières somaliennes et des 9 000 hommes de la Mission de l'Union africaine (Amisom). Ils sont pourchassés au sud par le Kenya, dont les troupes ont été récemment ralenties par des pluies diluviennes. Le «troisième front» reste plus élusif: les États-Unis et la France ont d'autant moins intérêt à s'afficher dans ce conflit que le président somalien, Cheikh Sharif Cheikh Ahmed, a jugé lundi l'intervention du Kenya «inappropriée et inacceptable».
Par Philippe Gelie
Rédacteur en chef, Le Figaro
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