(La Libre 31/10/2011)
Le turbulent chef des jeunes de l’ANC cristallise les mécontentements. Et cette fois, il est opposé au président Jacob Zuma, dont il avait aidé à la victoire Environ 5 000 personnes ont manifesté jeudi et vendredi derniers, à Johannesbourg et Pretoria, à l’appel de Julius Malema et de la Ligue de la Jeunesse du Congrès national africain (ANC) qu’il préside.
" Ceci est une longue marche vers la liberté économique ". Perché sur la plate-forme d’un camion aménagé, un micro à la main, Julius Malema harangue la foule. Ils sont environ 5 000, des jeunes pour la plupart, à participer à cette marche de deux jours, à Johannesbourg et Pretoria, pour réclamer des emplois et une meilleure répartition des richesses. Un succès relativement mitigé. Après tout, ce n’est pas beaucoup de monde dans un pays de 50 millions d’habitants.
Mais cette marche est l’expression d’un malaise qui ronge la jeunesse sud-africaine, dont Malema se veut le porte-parole. Elle rappelle que le modèle de la "Nation arc-en-ciel", acclamé à l’étranger, n’a jamais vraiment existé. La formidable personnalité de Nelson Mandela et sa volonté de réconcilier les différentes communautés du pays avaient fini par faire oublier que l’Afrique du Sud post-apartheid est encore un pays convalescent.
Celle-ci demeure un des Etats les plus inégalitaires au monde : 83 % des capitaux placés à la Bourse de Johannesbourg sont encore détenus par des Blancs, tout comme la grande majorité des terres. Le pays est aussi gangrené par le chômage, dont les chiffres officiels plafonnent à 25 %. Selon une étude de l’Institut sud-africain des Relations raciales, la moitié des 25-34 ans ne trouvera sans doute jamais de travail.
Le cortège s’ébranle, rythmé de danses et de chants révolutionnaires. "Il y aura du sang sur le sol si nos demandes ne sont pas écoutées", lance Julius Malema. Parmi celles-ci, une redistribution des terres et une nationalisation des mines "sans compensation".
Certes, Julius Malema est un populiste, adepte de la provocation et des sorties "anti-Blancs". Mais il exprime les frustrations d’une large partie de la population qui se sent laissée pour compte.
A son arrivée sur la scène politique, en 2008, les journalistes ont dépeint le trublion de l’ANC comme un clown, une marionnette stupide du gouvernement. L’avenir leur a donné tort. "Juju" est un habile politicien. Et ils sont de plus en plus nombreux, y compris parmi la classe d’affaires noire, à penser qu’il affirme tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
Cette marche s’inscrit également dans la perspective de la future Conférence de l’ANC qui doit se tenir à la fin de 2012. Les élections générales ne sont prévues qu’en 2014, mais c’est l’an prochain que l’ANC, parti au pouvoir et largement majoritaire depuis la fin de l’apartheid, choisira son candidat. Autrefois chaud partisan de Jacob Zuma - qui l’a emporté sur son rival Thabo Mbeki -, le chef de la Ligue de la Jeunesse veut désormais l’empêcher d’obtenir un second mandat.
Julius Malema est actuellement visé par une procédure disciplinaire interne à l’ANC. " S’il est exclu du parti, il pourrait se retrouver isolé. Mais si ce n’est pas le cas, il faudra sans aucun doute compter sur sa présence au premier plan de la scène politique sud-africaine dans les prochaines années" , affirme l’analyste politique Aubrey Matshiqi. " Malema jouit de pas mal de soutien au sein de l’ANC et même si la décision (qui doit être rendue le mois prochain, NdlR) lui est défavorable, il pourrait certainement multiplier les recours jusqu’à la Conférence de 2012."
Correspondante en Afrique du Sud
Patricia Huon
Mis en ligne le 31/10/2011
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