(Marianne 03/05/2011)
Depuis le 22 février, le Burkina Faso traverse une grave crise sociale. Ce week-end, les leaders de l’opposition ont appelé une nouvelle fois au départ du président Blaise Compaoré, tandis que les organisations syndicales ont profité de la fête du 1er mai pour faire savoir au gouvernement que la mobilisation est loin d’être terminée. Le point sur la situation avec Bassolma Bazié, secrétaire général adjoint à la CGT-B.
« Blaise dégage », « Blaise = Ben Ali », « Non au président pyromane »… Ce week-end encore, les appels à la démission de Blaise Compaoré, président du Burkina Faso depuis 24 ans, se sont multipliés. Depuis plus de 2 mois, le pays est en proie à de violentes manifestations. La jeunesse est sortie dans les rues dès la fin du mois de février pour protester contre l’impunité. Les militaires, les commerçants, les boulangers, les magistrats, les agriculteurs et plus récemment les CRS leur ont très vite emboité le pas. Face à la colère grandissante, le président du Burkina Faso a procédé, mi-avril, à un remaniement ministériel. Le nouveau Premier ministre, Luc-Adolphe Tiao, a promis des mesures, notamment pour résoudre le problème de la vie chère. Des annonces qui n’ont pas convaincu les centrales syndicales, pour qui les racines du mal qui rongent le pays sont bien plus profondes. Les organisations syndicales ont d’ailleurs profité de la fête du 1er mai pour faire part au gouvernement de toutes leurs doléances, tant en matière de libertés démocratiques, qu’en matière d’accès aux soins et à l’éducation. Pour Bassolma Bazié, secrétaire général adjoint à la CGT-Burkina, c’est tout un système qu’il est grand temps de réformer.
Marianne : Depuis près de trois mois, le Burkina Faso traverse une des crises sociales les plus graves de son histoire. D’où vient le malaise de la population ?
Bassolma Bazié : On le sentait venir depuis bien longtemps. Bien avant que les étudiants de Koudougou manifestent après la mort d’un des leurs, Justin Zongo, dans des conditions obscures. Il y a un problème de gestion dans ce pays, qui a pour conséquence la misère. Les responsables de l’Etat ne sont pas nommés par compétence mais par complaisance. L’intérêt privé de quelques-uns passe avant l’intérêt général. On sait par exemple que beaucoup de ministres, de militaires haut placés possèdent des entreprises, ont la haute main sur les affaires du pays. L’affaire Justin Zongo a été le déclic pour le reste de la population. Les gens vivent difficilement, payent énormément de taxes, et se rendent compte que ceux qui sont des amis du président, qui font parti du clan sont mieux lotis. Ils ont des monopoles, les ministres conservent leur salaire pendant six mois quand ils sont virés du gouvernement… Le peuple n’a plus confiance dans le comportement du gouvernement.
L’autre question fondamentale, c’est celle de l’impunité. Nous vivons dans un système d’injustices, de développement différentiel, de chaos. La situation est explosive et je crois que le gouvernement n’est pas capable de répondre aux préoccupations du peuple.
Marianne : La démission de Blaise Compaoré est-elle la solution ?
Bassolma Bazié : Je crois plutôt que c’est tout un système qu’il faut réformer. Le régime peut renouveler tous les gouvernements qu’il veut, ça ne changera rien. Blaise peut démissionner, mais qu’est-ce qui nous garantit que celui qui prendra sa suite ne fera pas pire ? Changeons le système !
Marianne : Lors des mobilisations, le 8 avril contre la vie chère, samedi dernier pendant le meeting de l’opposition, des Burkinabés brandissent des pancartes où est inscrit « Blaise dégage ». Peut-on comparer la situation actuelle du Burkina et celle de la Tunisie, juste avant le départ de Ben Ali ?
Bassolma Bazié : Oui. Il y a de vraies similitudes. Comme l’implication anormale de la famille du président sur toutes les affaires de l’Etat. Le petit frère de Blaise Compaoré, François, est conseiller économique à la présidence. La Première dame, Chantal Compaoré, est impliquée dans plein de choses, tout comme la belle-mère de François Compaoré. On leur a donné des monopoles, comme celui des transports de cuirs et de peaux, des entreprises de BTP... Les proches du président ont la haute main sur les affaires du pays, c’est vraiment à la Ben Ali ! Et comme en Tunisie, ce qui a mis le feu aux poudres, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est la mort d’un jeune homme. Justin Zongo ici, Mohamed Bouazizi là-bas…
Clotilde Cadu, envoyée spéciale de Marianne
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