mercredi 25 mai 2011

CONDE, OUATTARA ET ISSOUFOU AU G8: une prime à la démocratie, et après ?

(Le Pays 25/05/2011)

La France veut marquer d’une empreinte indélébile son sommet du G8. A côté des traditionnels invités africains à cette grand-messe des pays les plus industrialisés (Afrique du sud, Egypte, Nigeria, Sénégal, Algérie), Nicolas Sarkozy innove en associant exceptionnellement trois autres chefs d’Etat africains.
Ils ont pour trait commun d’être nouvellement élus à l’issue d’élections démocratiques. Alpha Condé, Alassane Ouattara et Mahamadou Issoufou viennent de garnir la galerie des dirigeants africains bien élus. Certes, chacun d’eux a eu sa propre expérience électorale, mais au finish, ils incarnent tous une Afrique en devenir. La France veut donc passer le message qu’elle ne cesse de marteler depuis quelques années à l’aune de la rupture prônée par Sarkozy : la démocratie sera un élément majeur de la politique africaine de la France. La Côte d’Ivoire en est la plus grande illustration. La France semble vouloir dire aux pays africains qui accepteront de s’inscrire résolument dans la dynamique démocratique, que les portes du monde leur seront ouvertes. Le printemps arabe conforte d’ailleurs la France dans sa position.
Les peuples du monde aspirent à plus de liberté. Les dirigeants du monde développé, en particulier ceux du G8, l’ont compris, qui accompagnent d’une façon ou d’une autre le mouvement en cours. Le seul membre du G8 encore hésitant est la Russie dont on sait qu’elle a elle-même mal à sa démocratie. La France adoube ainsi donc trois pays de sa sphère d’influence, jugés comme de bons élèves démocratiques. En principe, l’Afrique ne peut que se sentir honorée par une telle invitation. La participation en elle-même du continent, à ce sommet, devrait constituer un motif de satisfaction. Car en côtoyant, ne serait-ce que furtivement les plus grands, on peut plaider sa cause. C’est ce à quoi se sont toujours attelés les traditionnels représentants du continent noir aux précédentes assises du G8.
Dans un monde où le lobbying a toute son importance, il est sans doute indiqué de marquer sa présence aux grands rendez-vous. Toutefois, on peut se demander si l’Afrique ne fait pas de la figuration au G8. Comme dans un repas de riches, quelques pauvres sont conviés pour se donner bonne conscience. C’est l’impression que suscite cette participation africaine, d’autant que les grandes questions liées aux relations Nord-Sud demeurent posées. L’Afrique est toujours à la périphérie du développement et rien ne laisse présager un avenir radieux proche. D’autant que les pays industrialisés, qui prônent la mondialisation, ne font pratiquement rien pour lui ouvrir leurs marchés.
C’est plutôt le continent noir qui sert à la fois de fournisseur de matières premières et de consommateur de produits finis, pour les autres. Un cercle vicieux qui ne peut pas permettre à nos pays de prendre leur indépendance économique. Face à ce bilan mitigé, les Africains doivent s’interroger sur le sens de leur participation au sommet du G 8. En invitant pour la première fois autant de pays, la France donne l’opportunité aux Africains de peser sur la vision que les pays développés ont du monde. Mais si les dirigeants africains se rendent à Deauville comme en villégiature, ils donneront à penser que leur présence n’est que décorum.

Mahorou KANAZOE
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