(Xinhuanet 30/05/2011)
YAOUNDE -- Depuis le retour au multipartisme en 1990, le Cameroun a organisé 10 élections parmi lesquelles trois scrutins présidentiels, mais jamais la moindre précision n'a été communiquée sur le taux de participation que, sur la base d' une série de facteurs, les observateurs décrivent aujourd'hui comme un enjeu crucial de la prochaine présidentielle attendue en octobre.
« Sans être l'élément central du scrutin à venir, le taux de participation reste néanmoins un des indicateurs importants qui permettront de jauger la crédibilité générale du scrutin et partant du scénario de transition, même si ça reste le même pouvoir qui est en place, pour les années à venir pour le Cameroun », a estimé à Xinhua le politologue Firmin Mbala, enseignant à l'Université catholique d'Afrique centrale (UCAC) à Yaoundé.
Surtout, explique-t-il, « manifestement, la longévité présidentielle qui est vantée par les partisans du président comme étant un atout commence à n'être plus nécessairement comme un avantage. On sait aujourd'hui qu'il y a des pressions diplomatiques confidentielles, interpersonnelles qui appellent le régime à trouver un scénario de sortie ou à tout le moins décider clairement des lignes d'une transition qui serait apaisée.
Comme forme de publicité de ces pressions, il cite par exemple la lettre de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton à l'occasion de la fête nationale le 20 mai, lettre relayée par des médias locaux et souhaitant plutôt aux Camerounais qu'ils participent de manière massive et de sincère, puis que leur vote ne soit pas tronqué au scrutin présidentiel à venir.
Notant qu'« il est d'usage qu'à ces occasions-là ce type de courrier soit destiné d'abord entre pairs, c'est-à-dire de gouvernants à gouvernants », Dr. Mbala dit percevoir que « compte tenu de ce volume de pressions qui s'accroît, le régime a à coeur d'avoir des élections extrêmement crédibles aussi bien du point de vue de la participation que même de la sincérité de ceux qui décideraient de se déplacer pour voter ».
Au pouvoir depuis novembre 1982 suite à la démission de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo, le président Paul Biya, 78 ans, élu une première fois en 1992 et réélu en 1997 et 2004, ne s'est pas encore prononcé sur sa candidature. Seuls signes observables, les appels multipliés dans ce sens de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), et publiés sous forme de livres dédicacés en grande pompe.
Contrairement à ses adversaires de l'opposition, le RDPC, avec une volonté clairement affirmée de conserver le pouvoir avec une victoire sans appel de son « candidat naturel », appellation consacrée, mène une campagne tous azimuts d'inscription massive de ses militants et sympathisants sur les listes électorales, avec aux premiers rangs les membres du gouvernement et assimilés.
Par ailleurs, depuis le début de l'année, le chef de l'Etat a pris deux mesures significatives consistant à susciter une grande mobilisation des électeurs pour l'élection annoncée. Après en avoir dans un premier temps réduit les frais pratiquement de moitié, à 2.800 francs CFA (5,5 USD), il vient de décréter la gratuité de la délivrance de la carte nationale d'identité, à compter du 1er juin au 31 août.
Mais, de l'avis du sociologue Pierre Titi Nwel, également enseignant à l'UCAC, cette mesure présidentielle ne relève pas d'un acte spécial. « Depuis 1992, relève-t-il, on dit que c'est gratuit, c'est dans la loi qui organise l'élection présidentielle. Le président de la République n'a rien inventé. Il y a mille lois qui organisent les élections, si bien que même ceux qui sont à la présidence de la République n'arrivent pas à maîtriser les lois électorales ».
Observateur électoral reconnu sous la bannière de la Commission Justice et Paix de l'Eglise catholique, le Pr. Titi Nwel insiste sur l'urgence pour le chef de l'Etat de communiquer la date de l'élection. « Dans tous les pays démocratiques, on sait que l'élection a lieu tel jour. Avec ça, on peut savoir quand est-ce que le président de la République va convoquer le corps électoral. Le jour où il convoque le conseil électoral, les inscriptions cessent. Personne ne le sait, il est le seul à le savoir ».
L'universitaire fait partie d'une Plateforme de la société civile pour la démocratie, qui a récemment écrit au président Biya pour, entre autres questions soulevées, lui demander de présenter à la session parlementaire de juin un code électoral unique. « Nous demandons également à ELECAM d'ordonner la refonte du fichier électoral, c'est-à-dire de se débarrasser des 5 millions de citoyens où il y avait des doubles inscriptions ».
Créé par une loi votée par l'Assemblée nationale (Parlement) en 2006, en remplacement de l'Observatoire national des élections au Cameroun (ONEL), Elections Cameroon (ELECAM), opérationnel seulement depuis 2009, est l'organe chargé des élections. Il sera à son premier test électoral lors de la future élection à la présidence. L'opposition l'accuse d'être à la solde du pouvoir.
Une révision de la loi a été validée récemment par le Parlement pour augmenter de 12 à 18 les membres du conseil électoral, pour ouvrir la voie à la nomination des représentants surtout de l'opposition. Titi Nwel maintient la charge en regrettant que cette modification ait été décidée pour satisfaire à une exigence de la société internationale, alors que le conseil électoral ne joue aucun rôle dans le management des élections, dévolu plutôt à la direction générale des Elections.
« On peut accorder crédit de sa bonne foi à Elecam, dans la mesure où il s'attache à garantir, comme mission lui en a été donnée, des conditions optimum de vote crédible, transparent et libre. Mais, je crains qu'à l'arrivée ce ne soit pas nécessairement suffisant et nécessairement convaincant », à cause d'une sorte de désaffection des Camerounais à l'égard de la politique et du processus électoral, renchérit Firmin Mbala. D'où un faible engouement pour l'inscription sur les listes électorales.
© Copyright Xinhuanet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire