(Cyberpresse 26/05/2011)
L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) appelle dans un rapport publié mardi les autorités de Guinée à "rompre avec les exactions et l'impunité" ayant marqué les différents régimes depuis l'indépendance de ce pays en 1958.
"Depuis l'obtention de l'indépendance, les présidents guinéens Ahmed Sékou Touré (1958-1984), Lansana Conté (1984-2008) et le capitaine Moussa Dadis Camara (2008-2009) ont utilisé les milices du parti au pouvoir et les forces de sécurité pour intimider et réprimer dans la violence les voix de l'opposition", affirme HRW dans ce texte intitulé "Nous avons vécu dans l'obscurité: Un agenda des droits humains pour le nouveau gouvernement guinéen".
HRW affirme que "des milliers de Guinéens" qui "avaient osé s'opposer au gouvernement, ont été torturés", affamés, battus à mort par les forces de sécurité ou exécutés lors de détention dans des locaux de la police ou de l'armée, d'autres ont été enlevés ou victimes d'exécutions extra-judiciaires.
Dans ce pays de 10 millions d'habitants, pauvre malgré ses ressources naturelles considérables et confronté par ailleurs à la corruption, le système judiciaire affaibli ou sans grands moyens a permis, selon l'ONG, "à la dangereuse culture de l'impunité de prendre racine".
"Les auteurs de tous types d'exactions et de violations des droits humains (...) ont rarement fait l'objet d'enquêtes" lorsqu'ils sont proches du pouvoir, tandis que ceux qui sont accusés par les autorités sont maintenus "de façon récurrente en détention provisoire prolongée et dans des conditions carcérales atroces", note-t-elle.
En 2010, après 52 ans de régimes dictatoriaux ou autoritaires, les Guinéens ont pour la première fois voté librement à une élection présidentielle, remportée au second tour par l'opposant historique Alpha Condé face à l'ex-premier ministre Cellou Dalein Diallo.
Le président Condé "a hérité d'un secteur de la sécurité" marqué notamment par "l'indiscipline", les soldats et les policiers impliqués dans différents délits "ont joui d'une impunité presque totale", estime HRW, évoquant le massacre, fin septembre 2009, d'opposants dans un stade de Conakry par des militaires lors d'une manifestation pacifique (au moins 150 morts et quelque 2.000 blessés), massacre considéré comme un "crime contre l'humanité" par la justice internationale.
HRW appelle les autorités guinéennes à documenter des atrocités moins connues, poursuivre les auteurs d'exactions et violations graves des droits humains et "instaurer une politique de tolérance zéro à l'égard des agissements criminels de l'armée, de la police et de la gendarmerie et des violations des droits humains qu'elles commettent". Conakry doit aussi "renforcer l'appareil judiciaire", "discipliner et réformer le secteur de la sécurité" et assurer une répartition équitable des ressources du pays.
"Les actions du Président Condé - ou son inertie - soit traceront un nouveau chemin favorable aux droits humains, soit figeront la Guinée dans les excès et les violences du passé", estime Corinne Dufka, chercheuse de HRW pour l'Afrique de l'Ouest.
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