Zobel Behalal, chargé du plaidoyer Paix/Conflits au CCFD-Terre Solidaire, participe à la conférence de l’ONU sur le commerce des armes. Du 3 au 27 juillet, « La Croix » lui ouvre cet espace pour publier ses commentaires
A ma grande satisfaction, la matinée du 10 juillet a été riche en déclarations de pays africains. A l’exception de l’Algérie, plus d’une dizaine de pays ont affirmé leur soutien total à un traité fort. Le Burkina Faso a même remercié les ONG pour leur appui dans cette négociation. Admettez que dans le contexte actuel, ça fait du bien de l’entendre. Simple coïncidence ou résultat direct du lobbying des ONG sur les délégués africains ? Toujours est-il que le « réveil africain » est suffisamment important pour qu’on s’y attarde.
L’Afrique est en effet grandement menacée par la circulation irresponsable des armes classiques produites pour la plupart hors du continent.
Dans son intervention lors du séminaire du CCFD-Terre Solidaire du 9 juillet, le chef de la délégation française a par exemple pointé du doigt les armes légères et de petit calibre (ALPC). Selon lui, ces armes « alimentent les conflits, les violations des droits de l'Homme. Elles mettent en péril la paix, la stabilité d'Etats, de régions entières » . Ces propos ont été étayés par les autres intervenants. Delphine Djiraibé, leader de la société civile tchadienne a montré comment le développement du Tchad souffre d’une circulation débridée des armes. Pour Anzian Kouadio de la délégation de Côte d’Ivoire, la disponibilité des armes a aggravé la crise que connaît son pays depuis plus d’une décennie. Le chercheur sud-africain Guy Lamb est, quant à lui, revenu sur la corruption qui entoure le commerce des armes à cause du déficit de transparence. D’autres régions de l’Afrique notamment le Nord du Mali, l’Est de la RDC viennent aujourd’hui compléter ce tableau dramatique pour les populations africaines.
Cependant, la participation africaine à la conférence est caractérisée par plusieurs faiblesses. D’abord la nature des délégations. Pour la plupart composées d’un nombre réduit de délégués cette conférence est pour certains d’entre eux la première implication dans le processus onusien. Cela n’est pas sans conséquence sur l’expertise des délégués et leur capacité à participer aux réunions formelles ou informelles lorsqu’elles se tiennent simultanément.
On peut ensuite s’inquiéter du niveau d’implication des dirigeants politiques eux-mêmes. Certains diplomates m’ont dit en off ne pas avoir reçu d’instructions de leurs gouvernements sur certains aspects de la négociation. Ce qui n’est qu’à moitié surprenant car plusieurs des transferts d’armes vers certains régimes africains aujourd’hui ne résisteraient pas à un traité fort.
Enfin, le continent africain pâtit enfin de l’influence négative de l’Egypte et de l’Algérie, responsables du blocage de la position commune que les Etats africains avaient prévu d’adopter avant la conférence diplomatique. Par ailleurs, même si ces deux pays ont toujours voté les résolutions de l’ONU en faveur du TCA, leurs positions publiques tendent à affaiblir ce traité. C’est par exemple évident dans leur refus actuel de voir toute référence aux droits de l’homme dans le TCA.
Il est essentiel que les délégations africaines continuent à prendre la parole pour exprimer leurs attentes. Personne d’autre, mieux que les représentants africains, ne peut traduire ce qui est utile pour leurs pays et leurs populations. Mais pour y parvenir, la mobilisation des sociétés civiles africaines est indispensable.
Zobel Behalal
la-croix.com
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