Par Karim Lebhour
Le rapport annuel du Comité des sanctions de l’ONU sur la République démocratique du Congo aurait pu passer totalement inaperçu, si ce n’était cette annexe de 48 pages accusant le Rwanda de soutenir la mutinerie armée dans l’est de la RDC. Le groupe d’experts de l’ONU affirme que les forces armées rwandaises « fournissent du matériel militaire, des armes, des munitions et des fournitures diverses aux rebelles du M23 » et octroient soutien et protection au général Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre
Ce réquisitoire estampillé du sceau des Nations unies a fourni à Kinshasa l’occasion de faire éclater au grand jour une ingérence rwandaise déjà dénoncée par l’organisation Human Rights Watch, dans un rapport daté du 4 juin 2012.
Dès cette annexe connue, les diplomates congolais ont alerté les médias sur son existence et accusé les Etats-Unis d’en empêcher la publication pour protéger son allié rwandais. La mission américaine auprès de l’ONU a démenti et demandé « la publication rapide du rapport et de ses annexes ». Le département d’Etat a franchi samedi 30 juin 2012 un pas supplémentaire en demandant au Rwanda « d’arrêter et d’empêcher tout soutien à la rébellion congolaise depuis son territoire ».
« Le Rwanda s’est fait prendre la main dans le sac »
Les accusations du groupe d’experts reposent sur les témoignages anonymes de 80 mutins déserteurs dont 31 Rwandais du M23. Les auteurs fournissent des photos d’armes et d’équipements militaires décrites comme venant du Rwanda et décrivent le processus de recrutement de soldats par des officiers rwandais pour le compte des rebelles du M23.
Parmi les noms d’officiels rwandais cités dans cette annexe (page 17) figurent ceux du ministre rwandais de la Défense, le général James Kabarebe, de son chef d'état-major, le général Charles Kayonga, et des généraux Jack Nziza, Emmanuel Ruvusha et Alexis Kagame. « Le Rwanda s’est fait prendre la main dans le sac », analyse un diplomate onusien. « La réalité est que le Rwanda s’est accordé un droit de regard sur ce qui se passe dans la région des Kivus. La RDC est en train de réaffirmer sa souveraineté et veut briser ce statu quo », poursuit-il.
« Traquer les Rwandais »
Dépêchée à New York, la chef de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo, a dénoncé un rapport « déséquilibré » et démenti tout soutien de Kigali à des groupes armés en RDC. « Personne ne peut dire qui est Rwandais et qui ne l’est pas d’un côté ou de l’autre de la frontière. La langue du Rwanda est parlée des deux côtés. C’est tout à fait normal de trouver des gens qui s’expriment dans cette langue dans cette partie du Congo », a-t-elle expliqué avant de dénoncer une campagne d’incitation contre les Rwandais. « Certains médias proches du gouvernement congolais parlent de traquer les Rwandais et tuer les Tutsis. Cela nous rappelle la rhétorique de 1994 avant le génocide ».
« Pousser le Rwanda et la RDC à négocier »
Le Rwanda a promis de répondre au groupe d’experts. En l’état, ces accusations constituent une violation flagrante de l’embargo sur les armes à destination de la RDC. Selon nos informations, Kinshasa va déposer dans la semaine une requête au Conseil de sécurité pour inscrire les officiels rwandais cités dans le rapport sur la liste des sanctions de l’ONU. Cette requête a-t-elle une chance d’être entendue ? « J’en doute, répond un diplomate du Conseil. Il n’y a aucun appétit au sein du Conseil pour sanctionner des officiels rwandais. L’idée est plutôt de pousser le Rwanda et la RDC à négocier ».
Dans la résolution sur le renouvellement de la Monusco, adoptée mercredi 27 juin, le Conseil de sécurité a tout de même condamné « le soutien extérieur à tous les groupes armés ». « C’est un signal envoyé au Rwanda », décrypte un autre diplomate. « Cela montre que le Conseil accorde du crédit à la thèse d’une déstabilisation extérieure de la RDC ». Un avertissement alors que le Rwanda est candidat à un siège au Conseil de sécurité à la fin de cette année.
Par RFI
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