(Le Monde 12/07/2012)
Les islamistes armés contrôlent désormais la totalité du nord du Mali, où ils peuvent imposer leur loi sans rencontrer de résistance après avoir évincé, mercredi 11 juillet, les rebelles touareg de leur dernier bastion d'Ansogo, localité proche de Gao. Les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) ont été totalement chassés d'Ansogo par les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) qui leur avait déjà infligé une cuisante défaite le 27 juin dans l'une des trois grandes villes du Nord, Gao.
Un élu de cette localité a déclaré que "les rebelles touareg ont été chassés par les islamistes de leur dernier bastion, Ansogo, située à cent kilomètres au sud de Gao". "Actuellement toute notre zone est désormais entre les mains des islamistes", a-t-il ajouté. "Nous venons d'avoir un entretien avec les nouveaux maîtres des lieux qui ont dit qu'ils ne sont pas là pour faire du mal aux populations", a ajouté l'élu, sous couvert de l'anonymat. "Avant, le MNLA contrôlait encore une partie de la zone, maintenant, c'est terminé. Ils se sont sauvés dans la brousse".
"LES ISLAMISTES SONT LES MAÎTRES DES LIEUX"
Un médecin malien, Albert Djigué, qui a quitté mercredi par la route la frontière nigérienne pour Gao, a confirmé l'information. "De la frontière nigérienne en passant par Ansogo avant d'arriver à Gao, je n'ai pas vu un seul soldat du MNLA. Ils sont tous partis. Ce sont les islamistes qui sont maîtres des lieux", a-t-il affirmé. A Ansogo, les islamistes ont renforcé leurs positions en s'installant à la préfecture, dans le bâtiment des travaux publics et au centre d'animation pédagogique (CAP), selon ce médecin.
Après leur défaite à Gao le 27 juin face aux combattants du Mujao qui les avaient chassés de la ville lors de violents combats ayant fait au moins 35 morts, les rebelles du MNLA avaient en partie trouvé refuge à Ansogo et ses environs. Selon une source sécuritaire régionale, chassés d'Ansogo, les rebelles touareg auraient trouvé refuge près de la localité de Tassiga. Un ex-officier touareg de l'armée malienne qui avait déserté en décembre 2011 pour rejoindre le MNLA et qui se trouvait à Ansogo, aurait lui trouvé refuge au Niger proche, selon cette source.
Les trois grandes villes et régions du Nord qui représentent plus de la moitié du Mali - Tombouctou, Gao et Kidal - sont occupées depuis plus de trois mois par les islamistes du Mujao et d'un autre groupe armé, Ansar Eddine (Défenseurs de l'islam), alliés d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Ils en ont systématiquement repoussé la rébellion touareg qui avait lancé l'offensive dans le Nord avec eux en janvier. Le MNLA a déclaré unilatéralement en avril l'indépendance de cette région qu'il nomme l'Azawad.
EXACTIONS DES ISLAMISTES
Contrairement aux rebelles touareg laïcs, les islamistes ne recherchent pas l'indépendance du Nord, mais veulent imposer la charia, la loi islamique, dans tout le pays. Ils ont déjà commencé à le faire dans les villes occupées où ils fouettent les buveurs d'alcool, les fumeurs, les couples illégitimes. A Tombouctou, ville mythique du Sahara classée au patrimoine mondial de l'humanité, désormais en péril, ils ont choqué le monde en détruisant des mausolées de saints musulmans vénérés par les populations locales, destructions entamées fin juin, début juillet, interrompues, puis reprises mardi.
Dans un communiqué du département d'Etat, les Etats-Unis, outrés, ont fermement condamné ces destructions. Au plan diplomatique, Washington "soutient les efforts de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et de l'Union africaine (UA) pour contribuer à un retour à un régime civil au Mali et à une solution de médiation à la rébellion dans le Nord".
Le gouvernement de transition mis en place à Bamako après le retrait de militaires putschistes qui avaient renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, précipitant la chute du Nord aux mains des islamistes, est totalement impuissant face à ces exactions. Les pays de la Cédéao préparent depuis plusieurs semaines l'envoi éventuel au Mali d'une force militaire dont l'effectif serait de plus de 3 300 hommes. Elle attend un mandat de l'ONU et une demande officielle d'intervention de Bamako.
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