(Le Point 20/10/2011)
Nairobi accuse les rebelles islamistes d'être responsables d'au moins quatre rapts d'étrangers sur son territoire depuis septembre.
Des avions kenyans ont bombardé, mercredi, des rebelles islamistes dans le sud de la Somalie. Selon les responsables kényans, des troupes de Nairobi qui ont traversé la frontière le 15 octobre ont atteint la ville de Qoqani, à une centaine de kilomètres à l'intérieur de la Somalie, privée de gouvernement effectif depuis 1991. "Nos avions sont impliqués dans les opérations", a affirmé le porte-parole de l'armée kényane, le commandant Emmanuel Chirchir. Il n'a pas donné de détails sur les effectifs engagés dans cette mission, la première annoncée officiellement par le Kenya en Somalie, mais, selon des analystes, au moins 2 000 soldats ont été mobilisés.
Selon des témoins, les frappes kenyanes étaient intenses et ont visé des positions des shebabs, les milices islamistes en rébellion contre le gouvernement transitoire de Mogadiscio et qui se réclament d'al-Qaida. Aucun bilan de ces bombardements n'était disponible, mais, selon Nairobi, les rebelles shebabs ont eu plus de 70 tués dans leurs rangs depuis le début de cette opération dans la province somalienne du Bas Juba. Les militaires kényans ont reconnu avoir perdu un hélicoptère, avec à son bord cinq membres d'équipage, dans un incident décrit comme un accident. Selon une source policière dans la ville kényane de Garissa (est), les pertes kényanes seraient cependant plus lourdes.
Enlèvements
L'opération kényane est intervenue après que Nairobi a accusé les shebabs d'être responsables d'au moins quatre rapts d'étrangers au Kenya depuis le début du mois de septembre. Une des victimes de ces enlèvements, une Française de 66 ans, est morte, a annoncé mercredi le ministère français des Affaires étrangères. Marie Dedieu souffrait d'insuffisance cardiaque et avait vu sa mobilité réduite dans un grave accident. Elle ne se déplaçait qu'en fauteuil roulant. "Nous adressons nos condoléances à la famille, ainsi qu'à la nation française", a pour sa part déclaré Mark Toner, porte-parole du département d'État américain.
Les shebabs ont nié toute implication dans l'enlèvement de Marie Dedieu, tout comme dans celui d'une Britannique, Judith Tebbutt, et dans ceux, intervenus récemment, de deux Espagnoles, Montserrat Serra et Blanca Thiebaut. Le Kenya, qui craint que ces rapts ne nuisent à son image de destination touristique sûre, a lancé son opération avec la ferme intention d'éliminer les groupes rebelles somaliens qui agissent en toute impunité de l'autre côté de la frontière. L'armée kényane, guidée par des forces pro-gouvernementales somaliennes, a assuré être déterminée à pousser son avantage sur le terrain, et s'apprête à faire mouvement vers la localité d'Afmadow, à quelques dizaines de kilomètres à l'est de Qoqani.
Coopération
Nairobi, qui n'a jamais officiellement mené une opération de ce type sur le territoire de son voisin, et le gouvernement somalien de transition (TFG) ont signé, mardi, un accord de coopération militaire. Le Kenya, qui a lancé son opération sans aucun mandat international, a reçu l'appui de Kampala. L'Ouganda fournit la majorité des hommes de la force de l'Union africaine (UA) en Somalie, qui intervient en soutien du TFG. Plus nuancée, l'UA n'a pas exprimé son "soutien" à l'intervention, mais a dit "comprendre (ses) motivations", selon son porte-parole Noureddine Mezni. Depuis dimanche, les shebabs ont, eux, multiplié les menaces de représailles, disant vouloir combattre "sur tous les fronts" le Kenya, où vit une importante communauté somalienne.
De leur côté, les forces de sécurité kényanes envisagent "une opération majeure pour se débarrasser des shebabs dans Nairobi", a indiqué le ministre adjoint de la Sécurité interne, Orwa Ojode. Nairobi n'a pas donné d'indication sur la durée de son intervention, mais des analystes mettent en garde contre un risque d'enlisement. La dernière intervention unilatérale d'un pays de la région en Somalie remonte à celle de l'Éthiopie, en 2006. Addis Abeba avait déployé des dizaines de milliers d'hommes pendant deux ans, sans jamais atteindre son but : restaurer une autorité centrale à Mogadiscio. L'opération avait même créé les conditions de l'émergence du mouvement shebab.
Le Point.fr - Publié le 20/10/2011 à 07:16 - Modifié le 20/10/2011 à 07:27
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