lundi 3 octobre 2011

Guinée Equatoriale - Malaise à l'Unesco sur le prix "Obiang"

(L'Express 03/10/2011)

L'Unesco peut-elle remettre un prix "Obiang"? C'est la question que le conseil exécutif de l'organisation internationale doit se poser, ce vendredi. Le président Teodoro Obiang Nguema est considéré par beaucoup comme un dictateur.
Se faire remettre un prix, créé des mains d'un président, soupçonné de corruption, portant son nom, et donné par la très respectable Unesco. Impensable... sauf si ce chef d'Etat s'appelle Teodoro Obiang Nguema. Le président de la Guinée équatoriale souhaite avoir le grand honneur d'offrir un "prix Unesco-Obiang pour la recherche en sciences de la vie", qui récompense les initiatives en faveurs de l'amélioration des conditions de vie. A la clef, une coquette somme de 3 millions de dollars, versés par la fondation Obiang, créée et subventionnée par le président équato-guinéen lui-même. Sa demande pourrait être satisfaite, lors de l'examen du dossier par le conseil exécutif de l'Unesco, à Paris, vendredi 30 septembre.
Face au président, quatre fois réélu, à plus de 95%, plusieurs ONG, parmi lesquels Transparency International, Human Rights Watch (HRW) et Sherpa mènent campagne et s'opposent vivement à l'existence même du prix. Ils considèrent la collaboration entre l'Unesco et Teodoro Obiang Nguema comme contre nature. "L'Unesco trahit ses propres principes en accordant de la crédibilité au président Obiang qui est suspecté de corruption et d'abus", avait déclaré Kenneth Hurwitz, avocat membre de l'association de lutte contre la corruption, Open Society Justice Initiative, en 2010.
Corruption et "Biens mal acquis"...
Le président Obiang est, en effet, directement mis en cause dans l'affaire des "Biens mal acquis". La justice française le soupçonne d'avoir acheté en France plusieurs propriétés et des voitures de luxe, grâce au détournement de l'argent public équato-guinéen. "Le président et sa famille mènent une vie des plus extravagantes, qui fait l'objet d'enquêtes judiciaires un peu partout dans le monde", dénonce Tutu Alicante, de l'ONG Justice en Guinée Equatoriale. Les organisations internationales pointent aussi du doigt une corruption endémique dans le pays, installée par un pouvoir en place depuis plus de 30 ans. Leurs précédentes offensives contre Teodoro Obiang Nguema, en janvier, mai et octobre de l'année dernière, avaient porté leurs fruits: la remise de la récompense avait été suspendue sine die. La Bulgare, Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco avait pris cette décision faute d'un consensus entre les 58 membres de son conseil exécutif.
Mais voilà, le président de Guinée équatoriale n'a pas dit son dernier mot, et compte bien arriver à ses fins. Fort du soutien des pays membres de l'Union africaine, dont il assure la présidence tournante pour l'exercice 2011-2012, et de celui des Etats arabes, il revient à la charge ces derniers jours. Malgré la réticence des pays occidentaux, qui veulent un consensus sur la question, - ce qui permettrait une nouvelle suspension du prix Unesco-Obiang - le conseil exécutif de l'Unesco pourrait pencher en faveur des velléités du président africain.

Par Eric Kuoch
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