vendredi 7 octobre 2011

ELECTIONS AU CAMEROUN ET AU LIBERIA:Les deux visages contrastés de l’Afrique


(Le Nouvel Observateur 07/10/2011) 
Parmi les pays devant abriter prochainement des consultations électorales, figurent notamment le Cameroun et le Liberia. Les Camerounais vont aux urnes ce dimanche 9 octobre 2011, soit deux jours avant les Libériens. Ils sont convoqués pour le premier tour des élections présidentielle et législatives le mardi 11 octobre prochain. A eux deux, ces pays symbolisent la réalité des luttes pour la démocratie sur le continent. Le Cameroun de Paul Biya est un tissu d’anachronismes, un véritable sanctuaire de la résignation au plan des luttes pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des peuples africains.
Après plus de deux décennies d’exercice du pouvoir, soit quatre mandats successifs de cinq années, l’homme, âgé de 78 ans, s’apprête encore à rempiler. Nul doute en effet que le successeur du premier chef de l’Etat camerounais, Ahmadou Ahidjo, se succèdera encore à lui-même à la sortie des urnes. Cela, d’autant qu’en face, se trouve une opposition morcelée, et pratiquement muselée. Paul Biya aura face à lui 22 candidats, dont le leader historique de l’opposition camerounaise, John Fru Ndi, le président du SDF, le Social democratic front. Le Cameroun de Paul Biya est le prototype même du pays qui évolue en donnant la nette impression d’avoir emprunté un chemin sans issue. Il a pourtant tout pour réussir : des ressources naturelles à rendre jaloux de nombreux pays, un potentiel humain extraordinaire parce que constitué, en tout cas ici mieux qu’ailleurs, de hauts cadres dans tous les domaines d’expertise. Malheureusement, ce pays traîne aujourd’hui de l’arrière.
Il aurait cependant pu servir de boussole pour une grande majorité d’autres en Afrique. Ses dirigeants semblent avoir choisi de manquer le précieux rendez-vous avec l’histoire. A l’heure où l’on célèbre l’intégration des peuples, le Cameroun de Paul Biya n’est toujours pas parvenu à forger une conscience nationale à partir des riches substrats culturels anglophones et francophones. Par ailleurs, berceau incontestable du football, il n’est toujours pas en mesure d’offrir à sa jeunesse des stades de qualité. Beaucoup de ses « lions indomptables », en ont même fini par…perdre leurs crocs. Une bonne partie de ce pays n’a pourtant pas l’aridité du sol d’autres espaces géographiques. Cinquante ans après les indépendances, avec ses énormes ressources, le Cameroun de Paul Biya s’offre encore aujourd’hui en spectacle, particulièrement sur deux plans : la corruption et les manquements graves aux libertés et aux droits humains.
Ce ne sont pas les journalistes qui souffrent chaque jour le martyre qui vont nier ce qui paraît une évidence : au Cameroun de Paul Biya, les journalistes qui choisissent réellement de faire leur boulot, ont le sommeil trouble, s’ils ne sont pas en sursis. Après avoir brillé pendant longtemps au plan sportif, voilà le Cameroun qui entreprend de battre un autre record, plus triste cependant : l’importance de sa diaspora. Elle illustre de la part de nombreux Camerounais, la tendance à s’éloigner de leur pays. Par peur d’une dictature impitoyable, mais aussi du fait du chômage et de la misère qui découlent d’une gestion calamiteuse du pouvoir d’Etat. Plus de vingt ans après s’être appropriés le destin de leur pays, Paul Biya et ses partisans semblent toujours à la recherche de solutions qui tardent à venir au secours des populations dans l’attente. L’immobilisme étant source de frustrations et de calvaire, il est probable que ce pays continuera de végéter lorsqu’après le décompte des voix, les officiels proclameront Paul Biya vainqueur du scrutin présidentiel du 9 octobre. Par contre, le Liberia de Ellen Johnson Sirleaf constitue un réel espoir. La candidate cherche aussi à succéder à elle-même. Lors du scrutin présidentiel en 2005, elle avait promis de ne faire qu’un mandat.
La première femme présidente sur le continent africain a donc changé d’avis. La Dame de fer du Liberia ne souffrira pas de la concurrence de la star du ballon rond, George Weah. Ce dernier avait dépassé les 40 % des voix au deuxième tour en 2005. Mais en mai dernier, il a été écarté de la course, au profit du haut fonctionnaire onusien, Winston Tubman par son parti, le Congrès pour le changement démocratique. Durant son premier mandat, Ellen Johnson Sirleaf, presque inconnue de l’opinion au tout début, a su redonner aux Libériens le goût de revivre ensemble, et de tout rebâtir après une guerre civile atroce. Le pire semble aujourd’hui relever du passé. En effet, l’on avait craint le retour des vieux démons à la moindre occasion, nombre de ses compatriotes s’étant illustrés par leur comportement sanguinaire durant les années de plomb. Des chefs de guerre connus pour être des « sans foi ni loi », semblaient aussi ruminer des airs de revanche. Fort heureusement, l’actuelle présidente a su faire preuve de tact, de sérénité mais aussi de poigne dans la gestion des affaires publiques.
L’estime dont elle bénéficie auprès des uns et des autres, a également conforté la communauté internationale qui a soutenu le Liberia dans ses efforts de développement. De nos jours, le Liberia souffre moins de la corruption qui avait gangréné l’appareil d’Etat, et plongé le pays dans une certaine léthargie. Mais mieux que le Cameroun de Paul Biya, le Libéria qui revient de loin, a fait du chemin sur ce chapitre. En cela, ce pays constitue un exemple sérieux. Egalement, au plan des luttes pour l’affranchissement des peuples, le Liberia incarne l’espoir en matière d’alternance démocratique. Tout candidat y a ses chances. Le peuple, après des années de disette et d’égarement, semble aujourd’hui avoir trouvé sa voie.
La sortie du tunnel paraît moins loin. C’est qu’à elle seule, Ellen Johnson Shirleaf constitue tout un symbole de réussite. Leader et militante dans un environnement qui infantilise la femme, elle est parvenue à faire de son pays un exemple que l’on voudrait voir se multiplier sur le continent. Le Cameroun et le Liberia qui votent ces jours-ci, présentent ainsi deux visages contrastés d’une Afrique en mutation.

"Le Pays"
08:11 Écrit par prismacanal dans Lu ailleurs
http://prismacanal.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/10/07/elections-au-cameroun-et-au-liberia-les-deux-visages-contras.html


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