(Courrier International 17/10/2011)
L'Afrique du Sud a refusé début octobre un visa au Dalaï Lama. Pour le Sunday Times, il s'agit clairement d'un acte d'allégeance du gouvernement envers la Chine, principal partenaire commercial du pays.
La Chine a davantage besoin de l'Afrique du Sud que l'inverse, affirme Peter Draper, chercheur de l'Institut sud-africain des Affaires internationales. Mais l'Afrique du Sud s'efforce actuellement de consolider ses relations avec Pékin. Martyn Davies, directeur général de Frontier Advisory [un cabinet de conseil spécialiste de la Chine], rappelle qu'en 1998, l'Afrique du Sud avait reconnu la République populaire comme étant la représentante officielle de l'Etat chinois. Elle rompait du coup avec Taïwan. Selon Davies, cet événement s'est accompagné "d'une première ruée des investisseurs chinois, qui venaient tous de la municipalité de Shanghaï. Les autorités locales avaient reçu de Pékin la mission de développer des liens étroits avec l'Afrique du Sud".
Davies précise que ces investissements étaient à petite échelle et portaient sur l'industrie légère, "plus d'une dizaine de manufactures, qui produisaient de tout, des ampoules électriques aux réfrigérateurs, la plupart dans le KwaZulu-Natal [centre-est]". Mais, toujours d'après Davies, "ces sociétés ont échoué du fait de l'absence totale de connaissance du marché local, l'inexpérience de la direction et une énorme différence en termes de culture d'entreprise. Dans les milieux d'affaires chinois, on parle encore de cette incapacité à pénétrer le marché [sud-africain], ce qui décourage des investisseurs potentiels". Par contre, les grands investissements se sont poursuivis. Hannah Edinger, directrice de recherche chez Frontier Advisory, assure que la masse des investissements étrangers directs venus de Chine a atteint un total d'un peu plus de 3 milliards d'euros à la fin de l'an dernier en Afrique du Sud. En 2010, ils seraient montés à 298 millions d'euros.
Au fil des années, le rôle de Pékin en tant que partenaire commercial s'est accentué. En 2009, la Chine est passée en tête du classement des importateurs de produits sud-africains, alors qu'elle occupait la cinquième place en 2008. Ceux qui dénoncent les relations économiques avec le géant asiatique estiment qu'il se comporte comme les anciennes puissances coloniales en Afrique. Il extrait des ressources dans des opérations qui ne favorisent en rien le développement des pays impliqués. Et, dans un Etat où le secteur manufacturier a rétréci au cours des vingt dernières années, les importations chinoises bon marché sont perçues comme une menace.
Les exportations sud-africaines vers la Chine peuvent être grossièrement divisées en deux catégories : les produits minéraux (équivalant à 3,3 milliards d'euros sur les sept premiers mois de l'année) et les métaux vils (626 millions d'euros). Les produits minéraux sont essentiellement du "charbon sous sa forme brute", selon Taku Fundira, chercheur au Centre de Droit commercial pour l'Afrique australe. De son côté, l'Afrique du Sud importe principalement de Chine des produits manufacturés.
Tout bien considéré, il faut reconnaître que l'Afrique du Sud tire de grands avantages de ses relations avec la Chine, surtout au moment où son marché à l'exportation traditionnel, l'Europe, se resserre. On voit cependant mal en quoi les relations commerciales auraient pâti de la visite du Dalaï Lama. Le chercheur Peter Draper s'interroge sur les motivations du gouvernement. "Sachant que nous n'avons pas de lois transparentes sur le financement des partis, il faut se poser la question : le parti communiste chinois finance-t-il l'ANC [parti au pouvoir] ou le SACP [parti communiste sud-africain]? Si la réponse est oui, cela veut-il dire que notre politique étrangère est à vendre ?"
Ethel Hazelhurst
Sunday Tribune 17.10.2011
© Dessin de Zapiro, Afrique du Sud (d'après le colosse de Rhodes) d'Edward Linley Sambourne.
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