vendredi 6 mai 2011

Côte d'Ivoire -La fin de la bataille d'Abidjan

(Le Figaro 06/05/2011)

Le dernier carré des partisans de Gbagbo a rendu les armes. Des dizaines de cadavres sont ramassés dans le quartier de Yopougon.
La base navale de Locodjoro à, Abidjan, est sous le contrôle des forces d'Alassane Ouattara. Les soldats des Forces républicaines de sécurité (FRCI) ont pénétré mercredi soir dans ce bâtiment ouvrant sur la lagune enfonçant l'ultime bastion des combattants pro-Ggagbo. Une poignée de miliciens sont tombés lors de ce dernier combat qui scelle la bataille d'Abidjan.
Dans les heures précédentes, la commune de Yopougon, le fief de l'ancien président, avait elle aussi rendu les armes. Les soldats perdus de Laurent Gbagbo y avaient trouvé refuge au lendemain de la capture de leur chef, le 11 avril dernier, pour un baroud d'honneur. L'immense quartier peuplé de plus d'un million d'habitants fut pendant trois semaines le théâtre de durs combats et de sordides règlements de comptes. Les FRCI, mieux équipés, ont enlevé la victoire. «C'est le seul quartier qui restait à conquérir et toute la zone est désormais définitivement occupée par nous», a plastronné, jeudi soir à la télévision ivoirienne, le commandant Chérif Ousman, chargé des opérations.
«Je suis caché loin de Yopougon»
Dans les pas des hommes d'Alassane Ouattara, des secouristes ont découvert une cité figée par cinq semaines de terreur. Dans les rues, plus de 60 cadavres ont été ramassés, la plupart portant des blessures par balles. «Certains de ces corps étaient en putréfaction, ils étaient décédés depuis plusieurs jours», a précisé à l'AFP Franck Kodjo, un responsable de la Croix-Rouge ivoirienne pour Yopougon. D'autres dépouilles étaient carbonisées. Mais l'homme se garde bien d'estimer si les victimes sont celles de combats ou d'exécutions sommaires. Encore moins d'encore d'évoquer les éventuels assassins. Les témoins eux parlent de meurtres à la chaîne, de fosses communes secrètes… Chaque camp accusant l'autre d'exaction.
«C'était un temps terrible. Les miliciens de Gbagbo tenaient toutes les rues et tiraient sur tous les gens qui sortaient et qui n'avaient pas le bon nom», affirme Shérifou, un militant du Parti de Ouattara. Bo, un proche du mouvement de Laurent Gbagbo dit au contraire vivre aujourd'hui dans la peur: «Je suis caché loin de Yopougon. J'ai été obligé de fuir car les FRCI se livraient à une épuration.» Emma, simple commerçante du quartier, ne rêve maintenant que d'oublier. «Cela tirait partout avec des balles mais aussi des obus. On ne sait pas qui faisait ça. Mais tout ce que l'on veut c'est pouvoir trouver de l'eau et à manger pour les enfants.»
Pour Gilles Yabi, chercheur à l'ONG International Crisis Group (ICG), Yopougon ne semble pas avoir connu de massacres à grande échelle. «On a sans doute échappé au pire même si on est loin de connaître le bilan exact des combats dans le quartier comme dans Abidjan.»
Pacifier l'Ouest
Pour le nouveau président, l'annonce de la pacification de la capitale économique est à même d'asseoir un peu plus un pouvoir toujours chancelant. L'euphorie de l'arrestation de Laurent Gbagbo passée, le gouvernement doit faire face aux dossiers difficiles. À commencer par la réunion d'un pays profondément divisé par une décennie de crise. La mise en place rapide d'une commission Dialogue et réconciliation, présidée par l'ancien premier ministre Charles Konan-Banny, semble indiquer qu'Alassane Ouattara ne l'ignore pas. Tout comme il sait que le sort toujours mystérieux réservé à son ex-rival doit être éclairci. Des enquêteurs devaient entendre jeudi pour la première fois l'ancien chef d'état. «Ce sont évidemment des sujets urgents. Mais la pacification de l'Ouest ivoirien, où on trouve encore de nombreuses bandes armées et des milliers de réfugiés, l'est aussi. Il faut instaurer vite un plan d'aide humanitaire et militaire», souligne Gilles Yapi.
Pour un bon observateur de la Côte d'Ivoire, la fuite de nombreux caciques de l'ancien régime dans des pays voisins est un danger supplémentaire. «Il ne faut pas que la pression diplomatique se relâche autour de la Côte d'Ivoire.» Le 21 mai, lors son investiture officielle, Alassane Ouattara aura l'occasion de compter ses soutiens. La France devrait être représentée par Nicolas Sarkozy.

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