mardi 22 juin 2010

La Guinée-Bissau rongée par le narcotrafic

(Ouest-France 22/06/2010)
Point d'entrée de la cocaïne en Afrique de l'Ouest, le pays sombre dans la pauvreté,alors que les narcotrafiquants, protégés par des hauts gradés de l'armée, circulent librement.
Bissau.Correspondance
À Bissau, pas d'électricité depuis deux semaines. Seules les maisons et hôtels équipés d'un groupe électrogène éclairent quelque peu les rues défoncées de cette capitale aux allures de gros village. Avec son 1,6 million d'habitants, et la noix de cajou pour seule industrie, la Guinée-Bissau, coincée entre le Sénégal et la Guinée-Conakry, est l'un des pays les plus pauvres au monde.
Pourtant, Mercedes, BMW, Audi, et 4x4 Nissan sont nombreux en centre-ville. Leur présence témoigne de la vitalité du narcotrafic. C'est par Bissau que transitent des tonnes de cocaïne en provenance d'Amérique latine, à destination de l'Europe. « Dans mon entourage, certains ont pu s'acheter trois à quatre BMW, alors qu'ils sont au chômage. Les militaires leur donnent de l'argent, et en échange ils transportent de la cocaïne », raconte un jeune chauffeur de bus.
Pays sans État
Officiellement, depuis 2009, il n'y a pas eu de saisies de drogue, selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Ce qui ne veut pas dire que la cocaïne ne circule plus dans cet État contrôlé par l'armée, « maillon essentiel du trafic de cocaïne », selon Christophe Champin, auteur de l'excellent livre Afrique noire, poudre blanche. « De nombreux experts estiment que le trafic, même s'il a régressé, continue en Guinée-Bissau », poursuit l'auteur, journaliste à RFI. En fait, depuis avril, les trafics ont repris de plus belle.
Quant à incarcérer les narcotrafiquants... La Guinée-Bissau dispose d'une pseudo-prison. Une maison délabrée d'où les prisonniers peuvent sortir comme ils le souhaitent. Devant le portillon en fer forgé, un détenu tond les cheveux d'un des deux gardiens. Les conditions de détention y sont dramatiques. « Dans les caves où sont enfermés certains des prisonniers, il n'y a pas d'aération. La situation sanitaire est affreuse et les détenus ne sont pas nourris », dénonce Luis Vaz Martins, président de la ligue guinéenne de défense des droits de l'homme.
Et puis, comme le reconnaissent certains magistrats, « il y a autre chose ». Dans ce pays sans État, les cartels ont des relais jusque dans les ministères et même dans les cercles présidentiels. Ce qui ne fait pas les affaires de ceux, policiers, magistrats et journalistes, qui tentent de faire la chasse aux trafiquants sud-américains et à leurs sbires nigériens.

Aurélie FONTAINE
© Copyright Ouest-France

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